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de poisson, qui, à 60 francs les 100 kilos pris sur la chaussée, forment une valeur de 100 francs environ. L’empoissonnement a coûté 15 francs, les frais de pêche sont de 10 francs ; restent 75 francs pour la rente du sol, l’impôt et le profit de l’exploitant pendant deux ans, soit à peu près 30 fr. par an pour le propriétaire. Le revenu de l’année d’assec paraît un peu plus élevé. Durant l’évolage, le sol s’est enrichi de détritus animaux et végétaux qui lui tiennent lieu d’une bonne fumure. Le quart de la surface annuellement en assec est habituellement cultivé en blé ; les trois autres quarts portent de l’avoine. Grâce à ce mode ingénieux d’exploitation, qui a été souvent décrit et vanté par les auteurs, le revenu du sol inondé dépasse beaucoup, soit comme produit brut, soit comme produit net, celui des terres arables environnantes. La culture en eau, considérée isolément, a donc encore des avantages apparens ; mais M. Dubost pense, comme le syndic du tiers-état de 1683, que ces avantages sont plus que compensés par l’insalubrité. Il fait d’ailleurs remarquer, avec le même syndic, qu’étant placés dans le fond des vallées, les étangs occupent les parties les plus naturellement fertiles, et qui donneraient dans tous les cas le plus de produits.

Le bétail ne souffre pas moins que les hommes de cette situation générale. L’espèce chevaline en Dombes a un passé brillant. L’histoire a conservé le souvenir de quelques chevaux dombistes montés par des rois de France et par des princes de la maison de Savoie dans des expéditions militaires. La création des étangs, en donnant aux chevaux un régime aqueux et de mauvaises conditions hygiéniques, a fait dégénérer la race. Le bétail à cornes est plus chétif encore ; il vit exclusivement dans de mauvais pâturages pendant huit mois de l’année, et ne reçoit d’alimens en hiver qu’avec une extrême parcimonie. Tout le foin récolté servant à nourrir les chevaux et les bœufs de travail, il ne reste pour les vaches et les élèves que de la paille. Il y aurait profit à réduire de moitié le nombre de ces animaux, pour les mieux nourrir, car ce n’est pas la quantité de bétail qui importe, c’est la quantité de fourrage à consommer. La Dombes n’a que peu de moutons, et beaucoup d’entre eux meurent de la cachexie.

M. Dubost estime que les 34,000 hectares de terres arables, déduction faite des étangs, des prairies et des bois, se divisent à peu près ainsi : une moitié en céréales d’hiver, un tiers en jachères, un sixième en cultures de printemps et d’été. Cette distribution, qui se retrouve dans toute la moitié méridionale de la France, est des plus vicieuses. C’est l’ancien assolement biennal, un peu amélioré, mais n’ayant pas encore perdu ses principaux défauts, l’étendue beaucoup trop grande consacrée aux céréales, et l’étendue non moins excessive des jachères. L’engrais manquant par suite de cette mauvaise distribution, on n’obtient en grains qu’une faible récolte : on évalue en moyenne le produit en froment, semence déduite, à 10 hectolitres par hectare, et le produit en seigle à 9. Voilà de bien pauvres rendemens, comparés avec ceux qu’on obtient dans les pays bien cultivés ; il ne faut pourtant pas s’imaginer qu’ils soient exceptionnels : ils égalent la moyenne attribuée à la France entière par les statistiques, et bien certainement ils dépassent la moyenne obtenue dans le centre et dans le midi. M. Dubost se laisse quelquefois entraîner par une ardeur bien naturelle ; en voyant le triste état de