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cette élévation des salaires s’aggrave encore des interruptions de travail que rend fréquentes l’invasion des fièvres. Par suite de ces interruptions, le salaire moyen doit être au moins de 2 fr. 50 c. par journée de travail effectif. De plus, lorsque vient l’époque de la moisson et du battage, la Dombes n’a plus assez de bras par elle-même. Alors des pays voisins vient s’abattre une véritable armée de travailleurs temporaires ; leur salaire, qui leur est payé en nature, consiste dans le cinquième environ du produit de la récolte ; c’est ce qu’on nomme les affanures. En sus de cette proportion déjà énorme, ces ouvriers sont nourris.

La Dombes était autrefois composée de grandes terres appartenant aux principales familles de France, au clergé, à la magistrature de Lyon. Quelques-unes de ces terres sont restées aux héritiers naturels de leurs anciens possesseurs ; la plupart ont été aliénées ou partagées. On y trouve quelques propriétés au-dessus de 1,000 hectares, celles de 200 à 500 sont fort nombreuses, celles au-dessous de 100 hectares fort rares ; on peut fixer à 200 hectares l’étendue moyenne. C’est, comme on voit, un pays de grande propriété. La rente nominale du sol peut être évaluée à 24 ou 25 fr. par hectare, mais l’impôt et les mécomptes de tout genre la réduisent à 18 ou 20.fr. La plupart des propriétaires ne résident pas, l’insalubrité les éloigne ; ils habitent Lyon ou les bords de la Saône, et ne viennent que de loin en loin faire quelques parties de chasse ou chercher leurs revenus. Il y a vingt ans environ, vers 1840, la Dombes a paru un moment se régénérer : un grand nombre de capitalistes lyonnais y ont fait des acquisitions et ont entrepris des améliorations agricoles ; ce mouvement, mal dirigé, a dissipé inutilement beaucoup de capitaux. À la suite de la révolution de février, de nombreuses catastrophes ont éclaté, qui ont rejeté le pays dans l’abandon.

M. Dubost explique fort bien les causes de ces déplorables échecs ; ce sont les mêmes qui se retrouvent partout, et qui ont donné une si mauvaise réputation aux entreprises agricoles en général. Ces cultivateurs inexpérimentés ont voulu tout faire à la fois : ils ont commencé par immobiliser une grande partie de leurs capitaux dans des constructions dispendieuses, des châteaux, des fermes immenses ; ils ont étendu leurs terres arables bien au-delà de ce que permettaient leurs ressources en engrais, employé inconsidérément la chaux, qui est à la fois le plus utile et le plus dangereux des stimulans ; ils ont desséché et défriché à tort et à travers, élevé à l’excès la demande de travail, par conséquent le taux des salaires et le prix des matériaux. Cette règle n’a pas d’ailleurs été sans exception ; M. Dubost annonce que, dans une seconde partie de son travail, qui doit paraître plus tard, il racontera en détail des succès agricoles aussi éclatans que les revers, et qui prouveront qu’en aucun pays le sage emploi des capitaux n’est appelé à jouer un rôle plus fécond.

Dans l’état actuel, les propriétaires, ne résidant pas, sont forcés de confier à d’autres l’exploitation du sol. La culture est plus divisée que la propriété, sans l’être beaucoup ; l’étendue du plus grand nombre des domaines est comprise entre 40 et 60 hectares ; on peut fixer à ce dernier chiffre la contenance moyenne. Le capital d’exploitation est évalué à 110 francs par hectare de la superficie totale et à 150 francs par hectare en culture. Comme dans toute la