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farina et Garibaldi. Les Romagnols au fond sont demeurés républicains ; en acceptant le roi Victor-Emmanuel, ils ne se sont pas rendus à la foi monarchique ; ils ne contractent en quelque sorte qu’un lien exceptionnel et personnel au roi vaillant. Ils redeviendraient infailliblement républicains, si on leur offrait un autre prince dans la combinaison d’un royaume central. De bons observateurs regardent comme probable que cette solution serait repoussée même par les armes dans les Romagnes, et ne serait tolérée qu’avec une morne résignation par les Toscans. Mais qu’arriverait-il une fois ce royaume formé ? On aurait établi un gouvernement sans racines dans le pays, ne pouvant compter sur le concours d’aucun homme considérable, constamment miné par le parti habile et vigoureux qui aurait à sa tête le baron Ricasoli, et qui au-delà des Apennins s’appuierait sur l’énergie romagnole. Florence, la paisible Florence, deviendrait un foyer de luttes ardentes, de mazzinisme, d’anarchie. L’on n’aurait fondé que le désordre. Est-il sage, est-il prudent, nous le demandons, de subordonner à un expédient aussi problématique qu’un royaume de l’Italie centrale, qui coûte d’ailleurs d’aussi graves infractions que l’annexion au droit légitimiste, qui soulève par conséquent les mêmes difficultés européennes, l’intérêt si urgent de l’organisation sérieuse des forces et des ressources de l’Italie sous la direction du Piémont et l’intérêt qui appelle à la tête du Piémont lui-même l’homme le plus capable de le conduire dans cette crise ?

L’incertitude des questions étrangères et la perplexité absorbante qu’elle excite chez les esprits réfléchis sont regrettables à plusieurs points de vue. Les dangers extérieurs détournent l’attention des questions intérieures. Parmi ces questions, il en est pourtant auxquelles nous voudrions pouvoir nous arrêter à loisir, car elles intéressent le mouvement et les manifestations de la vie publique. Mentionnons ces conflits municipaux qui ont récemment frappé l’attention publique. Après les manifestations qui ont été faites à plusieurs reprises par des personnages importans du régime actuel en faveur de la décentralisation, nous ne nous serions pas attendus, par exemple, à voir l’ancienne municipalité marseillaise succomber dans sa lutte avec le préfet des Bouches-du-Rhône. Nous devons surtout signaler, parmi les faits intérieurs qui se sont produits récemment, une consultation délibérée et rédigée, sur la demande de M. d’Haussonville, par le bâtonnier et les anciens bâtonniers de l’ordre des avocats, et revêtue des adhésions de l’élite du barreau de Paris. La question spéciale qui a motivé cet acte est intéressante sans doute, puisqu’il s’agit de savoir si un imprimeur peut refuser d’imprimer un écrit sous prétexte que cet écrit aurait été dans un journal l’objet d’un avertissement. Cependant la question générale traitée dans la consultation des bâtonniers est bien plus importante. Il s’agit d’établir le terrain légal sur lequel les citoyens peuvent poursuivre la réforme de la législation de la presse. Nous avons trouvé dans la consultation des bâtonniers la confirmation de deux opinions que nous avions précédemment développées ici sur le même sujet, à savoir que la critique d’une législation existante est toujours permise, et ne saurait être assimilée à une attaque contre les lois, et que le moyen constitutionnel d’obtenir la réforme de la législation de la presse est de s’adresser au sénat par vole de pétition. L’autorité des