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tion, afin de nous dégager au plus vite des responsabilités et des nécessités de l’intervention. Nous laissons les choses en péril en poursuivant les fantômes.

Ceci n’est point une simple spéculation fondée sur des conjectures. L’état même de l’Italie nous prouve les dangers du provisoire, et il n’y a pas dans la lettre de l’empereur de mot plus vrai que celui-ci : « Enfin cette incertitude ne peut pas durer toujours. » Jetons un rapide coup d’œil sur les points les plus importans de la péninsule. Commençons par le Piémont. Le Piémont se constitue-t-il ? Montre-t-il dans sa nouvelle fortune cette sûreté et cette vigueur d’allures qui le distinguaient sous la conduite de M. de Cavour ? Assurément non. Il a à sa tête un ministère qui se considérait comme transitoire, qui dure au-delà de ses prévisions et de sa volonté, qui est depuis trois semaines à l’état de crise chronique. Des intrigues, de petites manœuvres, des mouvemens inexplicables, et qui annoncent une étrange confusion d’hommes et d’idées, les rapprochemens de M. Ratazzi et de M. Brofferio, les fausses démarches de Garibaldi, les démissions offertes par MM. de Lamarmora, Dabormida, Oytana, et reprises sur les instances du roi, les froissemens ressentis par les Lombards, toutes ces circonstances auxquelles nous ne voudrions pas nous arrêter, mais qu’il faut signaler pourtant, car il y aurait péril à les laisser se répéter, démontrent que le ministère piémontais est insuffisant, et qu’il serait grand temps que M. de Cavour reprît le pouvoir. Malheureusement un obstacle empêche, paraît-il, M. de Cavour de rentrer aux affaires : il repousse, dit-on, de toutes ses forces la création d’un royaume de l’Italie centrale. Comment voit-on au sein même de l’Italie centrale ce projet de royaume ? Il n’y a pas à parler de Parme et de Modène, dont les tendances à l’annexion au Piémont sont connues depuis longtemps ; Parme du reste a été promise à la Sardaigne dans la lettre de l’empereur du 20 octobre. Les Romagnes et la Toscane, qui formeraient le royaume projeté, sont plus novices dans le mouvement annexioniste, M. Ricasoli pensait à l’union avec le Piémont dès 1848 ; mais la masse paisible de la population toscane n’est pas arrivée par élan et par enthousiasme à l’annexion : elle ne demandait que l’indépendance vis-à-vis de l’étranger et l’ordre intérieur, et c’est pour s’assurer cette double garantie d’ordre et d’indépendance qu’elle a compris depuis Villafranca qu’il fallait appuyer la Toscane au royaume militaire de la Haute-Italie. M. Ricasoli s’est fait l’énergique représentant de cette conviction raisonnée, et, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, c’est pour ne point entrer dans le cadre tout fait d’un royaume de l’Italie centrale qu’il a voulu amoindrir la régence de M. Boncompagni, poussant peut être la jalousie jusqu’au point de ne pas profiter des avantages que cette régence offrait à une meilleure organisation des ressources militaires de la Toscane. Quant aux Romagnes, on sait qu’avant 1848 elles aspiraient à s’unir à la Toscane. On sait aussi que depuis cette époque, les mazziniens, c’est-à-dire les républicains unitaires, avaient pris la direction des libéraux, très nombreux et très énergiques, de ces provinces. Ce que l’on connaît moins en France, c’est comment les républicains romagnols ont été convertis à l’annexion piémontaise par cette association nationale qui couvrait l’Italie avant la guerre, et qui était dirigée par MM. La-