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lavé par les pluies, brûlé par le soleil, perd son humidité et sa fertilité, et les arbres, privés en partie des élémens indispensables, n’ont le plus souvent qu’une végétation rachitique et languissante.

Les fâcheux effets de ce mode de traitement, moins sensibles dans les terrains argileux, naturellement humides, se font au contraire cruellement sentir dans les terrains secs, tels que ceux composés de calcaire ou de silice, dont le défaut d’hygroscopicité n’est pas combattu par un couvert constant et par la présence d’une certaine proportion d’humus. Dans des sols de cette nature, la futaie n’est pas seulement plus productive, elle est nécessaire, car le taillis ruinerait infailliblement la forêt. On peut se convaincre de ce fait dans la forêt de Fontainebleau, où, à côté des magnifiques futaies de la Tillaie et du Gros-Fouteau, dont nous avons parlé, et de celles bien connues des artistes, de Barbizon et des Ventes à la Reine, se trouvent de maigres taillis, dégénérant en clairières, dont les cépées éparses sont entremêlées de bouquets de pins, témoins irrécusables des vides toujours plus grands que chaque exploitation vient occasionner. Le sol cependant est le même de part et d’autre : il se compose d’environ 97 pour 100 de sable siliceux et de 3 pour 100 d’argile ; mais, dans le premier cas, la futaie lui a conservé une fertilité que le traitement du taillis lui a enlevée dans le second. Ces faits viennent à l’appui d’une opinion admise par tous les forestiers d’outre-Rhin, c’est qu’un terrain imprudemment découvert ne reprend que fort difficilement ses qualités premières. Il faut, pour les lui rendre, soit avoir recours à des amendemens, soit le repeupler provisoirement avec une essence comme le pin, dont la constitution robuste s’accommode des terres les plus arides.

Cette nécessité de conserver constamment un couvert a conduit les Allemands à un système d’exploitation fort curieux, et dont nous n’avons en France rien qui approche : nous voulons parler des futaies à double étage qu’on rencontre dans le Spessart. Le chêne, qui est de beaucoup l’essence la plus précieuse, ne peut que difficilement être élevé à l’état pur, parce que son feuillage, peu épais et déchiqueté, est insuffisant pour protéger le sol contre l’irradiation solaire. Il importe donc de le mélanger avec une autre essence, comme le hêtre, qui puisse compléter le couvert ; mais le chêne est une essence douée d’une rare longévité, qui n’acquiert toutes ses dimensions, et par conséquent toute sa valeur, qu’à un âge fort avancé, tandis que le hêtre veut être exploité beaucoup plus jeune. Pour concilier ces conditions contradictoires, on a imaginé de créer une double forêt, l’une de chêne pur, dont la révolution est fixée à deux cents ans, et l’autre de hêtre, qui, végétant sous celle-ci,