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Ces diverses expériences ont confirmé en outre un fait très précieux à noter : c’est que les substances minérales qui entrent dans la composition du bois ne s’y rencontrent pas d’une manière invariable, et dans les mêmes proportions, pour les mêmes essences, qu’elles se substituent fréquemment les unes aux autres, et que par suite la composition chimique du sol n’a pas pour la végétation forestière l’importance qu’on avait cru lui reconnaître d’abord. On a rencontré en effet des forêts dans les terrains les plus divers : le chêne se plaît dans les plaines argileuses du centre de la France, le pin maritime sur les rivages sablonneux de l’Océan, et le sapin sur les croupes granitiques des Vosges : cette heureuse diversité d’essences, dont chacune a des propriétés et des exigences spéciales, permet de tirer parti, pour la production ligneuse, des terres les plus rebelles à toute autre végétation. Il y a plus : une même essence peut prospérer, sur des sols très différens, et il n’est pas rare de rencontrer le chêne dans les sables et le pin dans les terres fortes. Buffon a constaté par de curieuses expériences que les glands germaient dans tous les terrains, même dans les cailloux roulés, bien que les jeunes plants ne fussent point partout également vigoureux. Il résulte de là que le sol agit plutôt comme support et comme intermédiaire que comme agent direct de végétation, et que ses propriétés physiques, telles que son hygroscopicité et sa compacité, ont une plus grande influence que les propriétés chimiques des élémens dont il est formé. Le mode de traitement devient alors en sylviculture le point capital, car c’est de lui, beaucoup plus que de la nature du sol, que dépendent surtout la quotité et la qualité de la production ligneuse. Il est facile dès lors de se rendre compte de la supériorité de la futaie sur le taillis, et de comprendre pourquoi, dans un temps donné, elle fournit des produits plus considérables. Dans la futaie en effet, toutes les opérations concourent à favoriser l’accroissement des arbres : les éclaircies périodiques leur permettent de se développer en toute liberté et de puiser dans l’atmosphère tout le carbone dont ils ont besoin, eu égard à leurs dimensions ; le sol, constamment couvert et protégé contre les influences atmosphériques par un dôme de verdure et par une couche épaisse de feuilles mortes que les pluies et les vents ne peuvent entraîner, conserve sa fraîcheur et son humidité, si nécessaires à la végétation. Mis à même de s’assimiler la plus grande quantité possible des substances élémentaires dont ils sont composés, les arbres acquièrent ainsi toutes les dimensions dont ils sont susceptibles. Dans les taillis au contraire, les rejets, crus en massif trop serré, s’entravent dans leur croissance en restreignant par leur nombre l’espace nécessaire à chacun d’eux ; le sol, périodiquement découvert par les exploitations,