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Dès 1520, il est vrai, un certain Tristan, marquis de Rostaing, grand-maître des eaux et forêts, dont on peut encore voir le tombeau et la statue dans l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois, avait vivement recommandé ces opérations comme favorables à l’accroissement des bois, et prédit que les coupes à tire et aire, alors généralement employées, amèneraient un jour le dépérissement de nos forêts. Naturellement ses contemporains le traitèrent de rêveur, et le système qu’il combattait fut sanctionné par l’ordonnance, d’ailleurs si sage, de 1669 ; mais son idée était juste et devait triompher un jour, patiens quia œterna. Dans le cours de ses importans travaux sur la physique générale, sur la métallurgie du fer et sur les arts céramiques, Réaumur avait eu souvent à s’occuper de l’emploi du bois : il ne tarda pas à comprendre qu’il est peu de sujets plus dignes d’attention que l’étude des moyens d’en accroître la production. Dans un mémoire présenté à l’Académie des Sciences en 1721, après avoir constaté la pénurie croissante des bois d’œuvre comme des bois de feu, il insiste sur la nécessité d’augmenter l’étendue de nos futaies, et propose d’y consacrer une partie des taillis de l’état, des communes, et même des particuliers. Suivant lui, on pourrait obtenir cette transformation en laissant croître naturellement ces taillis et en se bornant à enlever les brins surabondans au fur et à mesure de leur développement. C’était là le principe des éclaircies appliqué à la conversion des taillis en futaies. Cependant les opinions et les travaux de Réaumur n’avaient guère franchi les limites du corps savant auquel ils s’adressaient. Les officiers forestiers, ignorans pour la plupart, si ce n’est en matière de droit et de jurisprudence, les traitaient de théories inapplicables ou funestes ; il suffisait qu’elles fussent contraires à l’ordonnance pour qu’elles fussent condamnées. Les propriétaires de bois, sauf quelques rares exceptions, plus soucieux de leurs plaisirs que de leurs intérêts, laissaient le soin de leurs domaines à des intendans, qui, quand ils étaient consciencieux, ne croyaient pouvoir mieux faire que ce que faisait la maîtrise des eaux et forêts dans les bois du roi et des gens de main-morte. Aussi est-il probable que les idées de Réaumur auraient eu le même sort que celles de son prédécesseur Tristan de Rostaing, si Duhamel du Monceau n’en avait fait le point de départ d’une partie de ses travaux. Après avoir exposé et discuté ces théories dans un mémoire adressé à l’Académie en 1755, il les reproduisit dans son traité des Semis et Plantations des arbres et de leur culture, qui fut publié peu après et traduit en allemand par Schoellenbach dès 1763. Sans être absolument conforme à ce qu’elle est devenue depuis, la méthode des éclaircies indiquée par Duhamel renferme les points les plus essentiels de l’opération ainsi nommée : grâce à lui, la