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aient atteint le terme de leur existence ; ils tombent alors et disparaissent, rendant au sol, par leur décomposition, les élémens qu’ils en ont tirés pendant leur vie. La place qu’ils abandonnent est immédiatement occupée par la jeune génération qui végète à leur pied, n’attendant qu’un peu de soleil pour prendre son essor. Dans les premiers temps, ces jeunes plants sont très serrés ; mais, à mesure qu’ils se développent et qu’il leur faut plus d’espace, le nombre en diminue : les plus faibles disparaissent, dominés et étouffés par les autres, qui ne peuvent s’accroître qu’à leurs dépens. Chaque année en voit succomber de nouveaux, jusqu’à ce que le massif, ayant atteint toute sa croissance, commence à dépérir lui-même après avoir laissé place à un nouveau peuplement.

Il y a dans la forêt de Fontainebleau de magnifiques futaies bien connues, celles de la Tillaie et du Gros-Fouteau. À cause de leur proximité de la ville, dont elles sont les plus belles promenades, elles n’ont été depuis fort longtemps soumises à aucune exploitation ; aussi présentent-elles exactement l’aspect d’une forêt à l’état naturel. Au-dessus, formant l’étage supérieur, vous voyez des chênes de quatre à cinq siècles, vétérans de la forêt, aux dimensions colossales, et qui ont presque tous un caractère historique. Autour d’eux cà et là, des chênes et des hêtres de cent à cent cinquante ans, remplaçant ceux que le temps et la foudre ont déjà fait tomber, dominent eux-mêmes des semis de différens âges, de hêtre et de charme, qui leur succéderont un jour. Telles sont les phases diverses de la végétation forestière abandonnée à elle-même : elle est envahissante, et, si l’homme ne lui opposait pas d’obstacles, elle ne tarderait pas à recouvrir entièrement la surface de la terre. Grâce à leurs dimensions, à leur longévité, à leurs racines, qui s’étendent dans toutes les directions et s’emparent du terrain, les arbres se propagent au détriment de toutes les autres plantes, et une fois installés sur un point, ils ne peuvent en être chassés que par le fer ou le feu. Des contrées abandonnées par leurs habitans se sont naturellement transformées en forêts. De nombreuses ruines romaines trouvées dans les forêts des Vosges et de l’Alsace attestent que l’emplacement qu’elles occupent aujourd’hui était autrefois cultivé. Au XVe siècle, c’était un dicton populaire en France que les guerres des Anglais y avaient fait pousser le bois.

Puisque telle est la puissance de la propagation naturelle, c’est à la seconder que devront tendre tous les efforts du forestier, afin d’utiliser tous les produits ligneux qui dans la nature se perdent sans profit. La méthode par laquelle on y arrive, s’appuyant sur l’observation des phénomènes qu’on vient d’indiquer, comprend deux ordres de coupes essentiellement distincts, les coupes de régénération