Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la campagne était enfin divulgué : les cinq canonnières étaient destinées à concourir à l’attaque et à la prise de Peschiera.

À Gênes, à Alexandrie, à Casale, à Vercelli, on chargea simultanément, et en trois jours, les chaloupes. Vers la fin de juillet, cent vingt wagons venaient à Novare, à Trecate et à San-Martino, attendre le rétablissement du Ponte-Torino, la pose de la voie de Magenta et la jonction des deux gares de Milan. Chacun se rappelle que la destruction du pont sur le Tessin fut incomplète. Il put servir même longtemps ainsi au passage de nos colonnes et de l’artillerie. Les Autrichiens, en faisant sauter les deux premières piles, du côté de la Lombardie, croyaient que les arches, par la poussée énorme qu’elles ont les unes sur les autres, tomberaient toutes en même temps ; mais les mines ne produisirent pas tout l’effet attendu : les bases furent endommagées, les deux premières voûtes se crevassèrent ; quant au pont, devenu par le temps et la solidité des matériaux comme un vaste monolithe, il résista. Cependant, pour assurer le passage des vivres, des canonnières et des parcs de siège, le raccordement des chemins de fer piémontais et lombards était d’une urgente nécessité. Bien des projets furent mis en avant et discutés. L’un de ces plans se bornait à détourner le lit du Tessin par une digue et à reprendre les travaux à sec. On dut d’ailleurs renoncer à se servir du système de pont en bois dit « pont américain ; » on manquait de poutres fortes, il eût fallu en aller chercher à Gênes ; puis les eaux de la rivière, avec leur vitesse de 2m33 par seconde, eussent rendu très difficile la pose verticale de madriers énormes. M. Amilhau, ingénieur français des ponts et chaussées, était convaincu que la base de la première pile, composée de blocs puissans reliés encore par du ciment romain, n’avait nullement souffert de l’explosion des mines. Il demanda dix jours pour construire en briques une pile et une arche nouvelles. Son plan fut adopté, et il se mit à l’œuvre avec un zèle, une activité et une certitude de réussir que ni d’amères critiques, ni la faiblesse des moyens mis à sa disposition ne purent jamais ébranler.

Le village de San-Martino, avec ses trois maisons, une douane, une auberge, un bureau de tabac et ses quinze habitans, dont quatre douaniers et cinq gendarmes piémontais, se trouvait changé en place forte de première classe. Les Autrichiens, craignant de nous voir déboucher par Novare, avaient entouré le village de fortifications passagères, d’un développement de plusieurs kilomètres, balayant et commandant toute la plaine unie qui sépare San-Martino de Trécate. C’était une tête de pont formidable et une place d’armes qui pouvait contenir cinquante mille hommes. Cet immense travail, on le sait, fut rendu inutile par le mouvement tournant du maréchal