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du premier acte, s’offre avec une complaisance acharnée, laquelle ne se dément pas pendant toute la pièce et mérite vraiment sa récompense. Le comte partage l’avis de son fils : il a pensé au mariage, mais Mme Godefroid n’est pas son fait ; son ancien amour pour elle s’en est allé avec les neiges d’antan, et d’ailleurs il a porté ses vues sur une jeune personne qui n’a pas même la moitié des printemps de Mme Godefroid, Mlle Hélène de Blignac. À ce nom, André baisse la tête. Hélène était la fiancée de son choix. Allons, encore un sacrifice à ce père terrible ! Il lui a donné la moitié de sa fortune, il lui abandonnera sa fiancée. Ainsi tous les préparatifs qu’il avait faits pour son prochain mariage sont peines perdues. C’est inutilement qu’il a consigné à sa porte, avec une dureté vraiment révoltante, la dame noire, une femme mariée avec laquelle il a entretenu un commerce amoureux, qu’il congédie sans plus de façons qu’il n’en mettrait avec Mlle Albertine, maîtresse d’occasion et de hasard que nous voyons installée sous son toit en compagnie d’un parasite sordide. Ainsi, sans sortir de ce premier acte, comptez combien de situations équivoques !

L’événement que faisait redouter le premier acte se dissipe au second. Le mariage du comte et de Mlle Hélène ne se fera pas. Hélène de Blignac raffole du comte, il est vrai, mais comme beau-père et non comme mari. Le comte surprend le secret des deux jeunes gens, et, avec une générosité qui serait facile même à un père moins prodigue, il met la main d’Hélène dans celle d’André. Il se consolera avec Albertine, qu’il trouve charmante, et puisqu’il ne peut épouser la fiancée de son fils, il héritera au moins de ses maîtresses, et il en hérite vraiment ! Il hérite d’Albertine en réalité, et il est en effigie l’amant de la dame noire, la femme délaissée, mais toujours inconsolable, qui vient pleurer aux genoux du comte et qui l’inonde de lettres passionnées. C’est le comte qui recevra les lettres adressées à son fils, de crainte qu’elles ne tombent entre les mains de Mme André de La Rivonnière. Les situations scabreuses, comme vous voyez, ne font que croître et embellir. Il en pousse dans cette comédie comme des champignons dans une nuit d’été. Ajoutons que Mlle Albertine, quoique invisible, remplit cet acte de sa personne. Pendant qu’elle se promène menant son chien en laisse sur la plage de Dieppe, deux dandies, l’un jeune et d’une corruption candide, M. de Naton, l’autre revenu des illusions de la jeunesse et d’une corruption érudite, M. de Ligneraye, s’entretiennent de cette aimable personne. M. de Naton, qui en est amoureux, la trouve plus belle que la jeunesse et plus pure que la vertu ; M. de Ligneraye, qui l’a entretenue autrefois, la trouve plus laide que la décrépitude et plus souillée que l’infamie.

Le troisième acte s’ouvre sur une scène de la lune de miel en plein