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pour une lutte facile à prévoir. Un mouvement d’opinion très significatif s’opérait au profit du gouvernement. Autour de lui se ralliait la classe qui est heureusement la majorité dans tous pays, celle des hommes qui ne sont pas des champions actifs dans les engagemens politiques, et dont le bon sens et l’équité ne sont pas faussés par des sollicitations personnelles d’intérêt ou de vanité. Ceux-ci se rendaient compte des difficultés qu’on accumulait autour de la présidence comme des machines de siège : ils savaient gré à M. Montt de la résistance qu’il opposait, par prévoyance patriotique, aux prétentions du parti aristocratique et clérical, auquel il appartenait par son origine, dont il aurait été le favori comblé, s’il en avait voulu être l’instrument aveugle. Non-seulement les conservateurs progressistes, très nombreux au Chili, se serraient autour du gouvernement pour former ce qu’on a appelé le parti national, mais il y avait des scissions dans les partis extérieurs. Plusieurs des progressistes engagés dans le mouvement de 1851 se rapprochaient de la présidence, ne parvenant pas à comprendre ce que les libertés publiques auraient à gagner avec les pelucones, partisans-nés des systèmes rétrogrades, instigateurs des mesures compressives, aux temps où le pouvoir ne leur était pas contesté.

La lutte parlementaire, envenimée par les commentaires de la presse, répondit à ce qu’on avait prévu. On appuya dans le sénat des propositions hasardées, de vrais actes d’hostilité, non plus alors contre le gouvernement, mais contre la constitution de l’état. L’article 41 de la constitution ordonne que tout projet approuvé par une chambre et soumis à l’autre soit discuté pendant les sessions de l’année où il a été présenté. Vers la fin du mois d’août, c’est-à-dire lorsqu’il ne restait que peu de jours pour l’expiration de la période législative, la chambre des députés approuva et remit au sénat le budget des dépenses publiques pour l’année suivante. À ce moment, les quatre ministres, découragés par une hostilité systématique, avaient présenté leur démission. Sous le prétexte qu’il était bon de connaître leurs successeurs, afin d’apprécier à quel point ils mériteraient la confiance publique, la majorité de la chambre des sénateurs décida que la question du budget serait suspendue jusqu’à la formation du nouveau cabinet. Vainement on insista auprès du sénat pour qu’il voulût bien rectifier sa résolution. Les raisons à faire valoir ne manquaient pas. Les ministres, dont la retraite était annoncée, fonctionnaient encore : pourquoi le congrès n’aurait-il pas profité des quelques séances qui lui restaient pour accomplir son devoir constitutionnel ? La mission du sénat, comme celle de l’autre chambre, étant d’approuver ou de rejeter les projets qui lui sont présentés, il excédait son droit en retardant arbitrairement