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de l’union. Les situations révolutionnaires imposent de tels compromis, et l’on est bien heureux lorsqu’avec ces ménagemens l’on peut les sauver des excès. La régence du prince de Carignan était la transaction indiquée par les circonstances. Depuis longtemps déjà, un de nos amis de Toscane, M. Matteucci, qui avait eu occasion à Turin de faire sur ce point au prince de Carignan des ouvertures dont le prince lui a témoigné sa reconnaissance par une lettre récente, avait indiqué ici même cette régence comme la meilleure des solutions provisoires pour l’Italie centrale. Les dictateurs s’étaient arrêtés à ce projet dès les premiers jours du mois d’octobre, et la surprise qu’ils ont montrée et que l’on a éprouvée à Turin lorsqu’à paru la note du Moniteur qui désapprouvait la régence du prince serait un fait singulier, s’il ne fallait y voir autre chose que l’effet du premier échec subi par l’optimisme systématique des Italiens depuis plusieurs mois. Quoi qu’il en soit, cette note produisit à Turin une vive émotion, si elle ne mit pas en désarroi les conseillers du roi Victor-Emmanuel. On sait que plusieurs chefs importans du libéralisme piémontais furent appelés à un conseil où il fut décidé que la vice-régence de M. Boncompagni serait substituée à la régence du prince de Carignan. M. Ratazzi, en annonçant cette résolution au roi, ne lui cacha point, dit-on, que le ministère était prêt à se retirer, si la vice-régence de M. Boncompagni n’était pas adoptée. Le roi ne pouvait évidemment pas accepter la dissolution de son ministère. Qui aurait-il pu appeler ? M. d’Azeglio, avec cette chevaleresque franchise qui le distingue, a épousé le mouvement actuel sans garder ces diplomatiques ménagemens qui rendent, comme on dit, un homme possible. Malheureusement les circonstances qui ont déterminé M. de Cavour à sortir du pouvoir ne semblent pas lui permettre encore d’y rentrer. Fallait-il essayer d’un cabinet Revel-Menabrea ? Mais c’était rentrer dans une politique exclusivement piémontaise, abandonner à lui-même le mouvement italien, c’est-à-dire exposer l’Italie à de grands désordres : à un tel parti la droiture du roi Victor-Emmanuel répugnait invinciblement. La retraite sur la vice-régence de M. Boncompagni était donc l’extrême concession que le Piémont pouvait faire. On l’a facilement compris à Paris, comme nous l’avons vu par une (Seconde note du Moniteur ; il a été plus difficile de convaincre l’Autriche, et c’est au temps que l’on a dû employer à surmonter ses objections qu’il faut attribuer le retard qu’a subi l’expédition des lettres pour le congrès. Ce n’est pas le seul inconvénient qu’ait eu cet incident. La régence une fois reconnue impossible, il semble que la vice-régence de M. Boncompagni, désigné par le prince de Carignan, devait satisfaire les Italiens, qui se sont récemment montrés si habiles à prêter aux actes politiques la signification qui leur plaît. Cet expédient donnait encore beau jeu à cette subtilité d’interprétation que nous signalions en eux il y a quelques jours. Nous n’avons eu pourtant que des gloses françaises, assez comiques par leurs variations, sur la question de savoir s’il fallait attacher le même sens qu’à la régence du prince de Carignan à la vice-régence de M. Boncompagni, désigné par le prince. M. Minghetti pour les Romagnes, M. Peruzzi pour la Toscane, s’étaient montrés assez accommodans sur cette demi-solution ; mais M. Ricasoli à Florence a voulu cette fois mettre les points sur les i. Il faut dire,