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mais nous espérons qu’elles seront adroitement et heureusement traversées. Plusieurs circonstances nous rassurent en effet. D’abord, si l’on en juge par la circulaire du ministre de l’intérieur, il est évident que notre gouvernement a fait son choix entre les deux systèmes où il est possible de maintenir ou de pousser la politique anglaise, et qu’il n’est pas disposé à signaler à l’Angleterre l’ère des Chatham et des Pitt comme l’époque de sa grandeur. L’expédition concertée contre la Chine est aussi un bon symptôme. L’on attribuait récemment à notre gouvernement une pensée qui, si elle se réalisait, contribuerait puissamment à rétablir la confiance normale entre les deux pays. Nous voulons parler des modifications qui devaient être prochainement apportées dans nos tarifs de douane, et qui auraient pour effet d’affranchir de droits les matières premières employées par nos industries, et de réduire les droits sur les denrées nécessaires à l’alimentation du peuple. De pareilles mesures ne seraient pas seulement utiles à notre commerce et aux classes populaires, elles seraient l’inauguration d’une véritable politique de paix, dont les tendances deviendraient manifestes au dehors. Enfin, quant à nous, persistant dans les idées que nous émettions dernièrement, nous verrions la plus efficace des garanties de la paix dans le réveil d’une vie politique intérieure qui intéresserait et associerait la France au développement libéral de ses institutions, et la détournerait ainsi des préoccupations stériles et périlleuses de la politique étrangère.

Nous ne serons malheureusement pas délivrés des questions étrangères avant que le congrès annoncé ait terminé son œuvre, et avant l’arrangement final des affaires d’Italie ; Que la tâche du congrès soit difficile et que le travail de cette assemblée soit destiné à rencontrer bien des complications et à subir bien des lenteurs, personne ne le contestera. Nous n’aurons pas la témérité de devancer l’avenir ; et d’émettre à ce sujet d’oiseuses prévisions. Nous nous contenterons, pour le moment, d’indiquer les dispositions dans lesquelles la nouvelle de la réunion du congrès va trouver l’Italie. L’on peut considérer les incidens qui ont suivi la proposition de la régence au prince de Carignan comme la crise finale de l’Italie centrale avant la réunion du congrès. Cette crise, à laquelle n’ont pas manqué les incidens imprévus et les contradictions logiques, s’est heureusement terminée par une sorte de compromis. Quel que soit le jugement que l’on porte sur les griefs des diverses provinces de l’Italie centrale, sur le rôle que chacune d’elles joue dans les événemens actuels et sur le caractère du mouvement annexioniste, il est impossible de méconnaître que les dictateurs, en appelant les assemblées à conférer la régence au prince de Carignan, obéissaient à une pensée d’ordre et de conservation. L’on en a eu la preuve par la retraite de Garibaldi et par la publicité donnée depuis aux desseins que nourrissait ce hardi partisan. Le statu quo pesait en effet à Garibaldi, et il voulait faire dans les états pontificaux, et même dans le royaume de Naples, une pointe qui eût remis tout en feu, et qui eût enlevé à l’Italie révolutionnée ce mérite de la conservation de l’ordre, dont le congrès, il faut l’espérer, lui tiendra compte. Pour maintenir la paix, il fallait modérer les impatiences du parti extrême, et pour obtenir la patience des exaltés, il fallait donner une satisfaction à leurs espérances en faisant un pas nouveau dans le sens