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quelque mystère de la nature. Peut-être est-il permis d’espérer que. l’observation future, aidée de toutes les ressources des spéculations rationnelles et des progrès des sciences physiques (de celles surtout qui traitent des impondérables), ne tardera pas à nous mettre en état de pénétrer ce mystère, et de décider si c’est réellement de la matière, dans le sens ordinaire du mot, qui est ainsi projetée des têtes des comètes avec une vélocité si extravagante, et qui, si elle n’est pas ainsi lancée, est au moins dirigée par le soleil comme d’un point de départ pour les forces qui sont mises en jeu. La question de la matérialité de ces queues se pose surtout fortement devant notre esprit, quand nous considérons le fait de l’aire énorme qu’elles décrivent autour du soleil, au périhélie[1], comme une barre rigide, en dépit des lois de la gravitation, et pour tout dire, en dépit des lois universellement reçues de la mécanique, s’étendant, comme en 1680 et 1843, depuis les régions les plus voisines du soleil jusqu’à l’orbite de la terre, et décrivant ainsi sans se rompre, en moins de deux heures, un angle de 180 degrés. Il semble impossible d’imaginer que ce soit un seul et même objet matériel qui puisse être ainsi brandi dans l’espace. S’il était permis de penser à quelque chose de semblable à une ombre négative, à quelque impression momentanée faite sur l’éther lumineux derrière la comète, une telle conception satisferait assez bien à l’impression que ces phénomènes produisent irrésistiblement sur notre esprit ; mais cette modification de l’éther, si extraordinaire qu’on veuille l’imaginer, ne rendra jamais compte des innombrables détails de toute nature qui, dans la marche, des comètes, viennent tous se heurter irrésistiblement aux notions fondamentales de la mécanique. »

Les difficultés dont la théorie des comètes est entourée apparurent bien clairement dans la discussion qui s’éleva sur ce point, l’an dernier, à l’Académie des Sciences de Paris, entre M. Leverrier et M. Faye. Ce dernier présenta d’ingénieuses considérations sur les phénomènes cométaires. Le point de départ de cet intéressant débat était une communication du célèbre astronome de Berlin, M. Encke, relativement à la comète, à très courte période, qui porte son nom, et qu’on appelle aussi souvent la comète des douze cents jours, parce qu’elle met ce temps à tourner autour du soleil. Dès 1819, le savant astronome avait constaté que la période diminue d’année en année, et avait expliqué cette accélération par l’hypothèse d’un fluide ou milieu résistant répandu dans les espaces interplanétaires. Le temps de la révolution depuis

  1. On nomme ainsi le point de l’orbite le plus rapproché du soleil.