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tenter à la dernière heure un suprême effort. Pour avoir un prétexte, ils avaient découvert dans le traité un mot, une pauvre conjonction dont le sens leur paraissait douteux, et sur cette base fragile, ils cherchaient à relever le débat. Lord Elgin leur répondit le 25 octobre en déclarant de la manière la plus absolue qu’il ne lui était plus permis de modifier les conditions du traité signé à Tien-tsin, il répéta que le gouvernement anglais demeurait maître d’avoir ou de n’avoir pas une ambassade permanente dans la capitale ; il s’attacha à démontrer que cette clause était fort avantageuse pour la Chine, et il ne trouva, pour repousser l’offre de transaction, que cette phrase peu courtoise, par laquelle se terminait sa note diplomatique : « Le soussigné estime qu’il ne serait pas au pouvoir de leurs excellences de lui proposer, pour garantie de la bonne foi du gouvernement impérial et du maintien de la paix, aucune condition qui fût équivalente à la résidence permanente d’un ministre anglais à Pékin. »

Les commissaires chinois revinrent encore à la charge par une seconde dépêche le 28 octobre. Acceptant comme définitive l’interprétation anglaise, ils s’appuyèrent, non plus sur une chicane de texte, mais sur les sentimens d’intérêt et de bienveillance que lord Elgin manifestait envers la Chine, pour le supplier d’obtenir de sa souveraine que l’exercice du droit de résidence permanente fut au moins suspendu. Écoutons-les plaider pour la dernière fois la cause de leur gouvernement et de leur pays :


« La justice et la droiture de votre excellence, ses intentions bienveillantes et amicales nous inspirent l’entière conviction qu’en exigeant la résidence de l’ambassadeur anglais à Pékin, vous n’avez nullement songé à porter préjudice à la Chine. Cependant nous répétons que la résidence permanente de ministres étrangers dans la capitale aurait pour la Chine des conséquences tellement désastreuses que les expressions nous manquent pour les qualifier. En résumé, dans l’état de trouble et de crise où se trouve aujourd’hui plongé notre pays, l’exécution de cette clause aurait pour résultat, nous le craignons, de faire perdre au gouvernement le respect du peuple, résultat dont nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire de signaler avec plus de détails l’extrême gravité. Nous insistons donc de nouveau, et par note spéciale, sur ce sujet… Votre souveraine ne voudrait pas, en se montrant trop exigeante sur un point qui nous lèse si durement, augmenter nos embarras, et la Chine lui serait très reconnaissante de sa modération.

« Nous sommes animés de la plus entière bonne foi, et, s’il existe un moyen quelconque par lequel nous puissions, selon vous, marquer particulièrement notre sincérité, nous prions votre excellence de vouloir bien nous l’indiquer franchement : il n’est point de transaction équitable à laquelle nous ne soyons prêts à souscrire. Nous avons le ferme espoir que nous demeurerons toujours de part et d’autre animés des mêmes sentimens, et que