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va-et-vient de concessions et d’objections, et il riposta aux commissaires par une note très sèche, où il fixait d’autorité au 24 juin la signature du traité.

Le traité ne fut signé que le 26, après deux longues conférences dans lesquelles Kouei-liang et Houa-shana essayèrent encore de disputer le terrain pied à pied à M. Bruce, secrétaire de l’ambassade. Ils obtinrent par grâce quelques légers changemens de rédaction, et signèrent enfin de leurs mains tremblantes l’acte fatal. Le 30, ils annonçaient que l’empereur avait pris connaissance du traité ; mais lord Elgin déclara ne vouloir partir qu’avec l’assurance formelle de l’acceptation impériale. Il lui fut donné satisfaction le 4 juillet par l’envoi du décret qui approuvait les traités conclus avec les quatre puissances, et le 6, après avoir fait aux commissaires sa visite d’adieu dans le temple de l’Esprit-des-Vents, l’ambassadeur anglais s’éloignait de Tien-tsin.

On se souvient que la première conférence de M. Lay avec Kouei-liang avait eu lieu le 6 juin. Cinq jours après, la besogne était terminée, car le traité, signé le 26, contenait toutes les clauses qui avaient été imposées et subies dès le 11. On peut donc dire que lord Elgin avait mené les commissaires tambour battant, leur laissant à peine le temps de réfléchir et de respirer, repoussant durement et sèchement leurs observations, présentées toujours de la manière la plus convenable et la plus respectueuse, traitant ces mandarins de haut en bas, et manifestant presque à chaque minute une défiance qui, entre plénipotentiaires de pays européens, eût à bon droit été considérée comme injurieuse. Et l’on s’étonne que les Chinois, formalistes à l’excès, ne voient en nous que des gens déraisonnables, violens, impolis, des barbares ! S’il s’était agi simplement d’une réparation pécuniaire ou morale, d’une indemnité ou d’une excuse à exiger pour l’un de ces griefs qui, selon notre droit des gens, donnent à la partie lésée le droit de réclamer une satisfaction immédiate, l’attitude hautaine de l’ambassadeur anglais, les sommations à bref délai, la menace, l’action, tout eût été légitime ; mais là il s’agissait de bien autre chose, et lord Elgin en fait l’aveu. En transmettant à Londres le texte du traité de Tien-tsin, il écrit que les concessions obtenues ou plutôt imposées par la force et arrachées à la crainte « ne sont rien moins, aux yeux du gouvernement chinois, qu’une véritable révolution, et qu’elles impliquent l’abandon partiel des principes les plus sacrés sur lesquels repose la politique traditionnelle de l’empire. » Était-ce donc trop de cinq jours, de vingt jours même, pour accomplir une telle révolution ?

Aussi tout n’est pas encore fini. Après les négociations de Tien-tsin, nous avons celles de Shang-haï, et ce ne sont pas les moins