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réfuté victorieusement les allégations de son adversaire, et lui a enjoint de retourner à Canton et d’y attendre la décision de Yeh, seul compétent pour examiner les demandes des barbares. C’est un moyen, ajoute Hiang, de gagner du temps et de tenir ces importuns à distance. Il conseille en même temps d’accorder la légère faveur qui est sollicitée pour l’application du tarif des douanes à Shang-haï ; de cette manière, les étrangers n’auront plus de prétexte pour reproduire leurs ridicules prétentions. L’empereur, par un décret spécial, approuve fort la conduite d’Hiang, et la compare avec avantage à l’indigne attitude d’un autre mandarin qui précédemment avait montré quelque penchant à accepter le concours des étrangers pour chasser les rebelles de Shang-haï. Pas de concession ! tel est le mot d’ordre. Mais voici que, le 20 août, Hiang se voit obligé d’annoncer à son souverain que non-seulement le ministre des États-Unis, mais encore le ministre anglais, se plaignant des procédés impolis du vice-roi de Canton, ont manifesté l’intention d’aller à Tien-tsin. « Ce n’est peut-être de la part de ces étrangers qu’une ruse pour nous contraindre d’accueillir leurs demandes. Je leur ai ordonné, avec une affectueuse insistance, de ne point partir, et leurs navires sont encore à l’ancre. Cependant je ne puis être sûr de ce qu’ils feront, le caractère des barbares est si mobile et si inconséquent !… » En effet, las de ne rien obtenir, les deux ministres se décidèrent à se rendre à Tien-tsin, et le 15 octobre 1854 ils arrivèrent à l’embouchure du Péi-ho.

Là, nous nous trouvons en présence de nouveaux personnages. Un mandarin civil et un général annoncent à l’empereur l’arrivée des étrangers et font le récit de leurs entrevues avec les interprètes des deux légations, MM. Parker et Medhurst. À les en croire, « ils ont vigoureusement tenu tête aux demandes impertinentes qui leur ont été soumises. Pénétrer dans le Yang-tse-kiang, ce serait violer les conventions adoptées de part et d’autre ; envoyer des ambassadeurs à Pékin ! à quoi bon ? pour discuter de simples intérêts de commerce qui peuvent être examinés de plus près dans les ports où les étrangers sont admis ? » Et d’ailleurs « l’enceinte impériale de la dynastie céleste est un lieu sacré que ne doit point profaner la présence des barbares ! » Cependant, tout en se targuant d’une invincible fermeté, tout en se vantant d’avoir renvoyé avec une verte semonce des dépêches conçues en termes irrespectueux et repoussé avec indignation un cadeau de vingt-six bouteilles de vin barbare, les deux mandarins paraissent ne pas être tout à fait à leur aise, et ils glissent dans chaque rapport, le plus souvent en post-scriptum, quelques conseils de modération et de clémence. Ces étrangers, disent-ils, sont évidemment des gens détestables, mais il serait peut-être bien de ne pas les pousser à bout. Si l’empereur daignait envoyer