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Un pays où presque tous les citoyens sont à la fois propriétaires et plus ou moins éclairés, comme les états de la Nouvelle-Angleterre, peut supporter sans péril un degré de liberté qui ailleurs dégénérerait peut-être en anarchie ; Certes, sous ce rapport, la Lombardie n’est pas aussi avancée que la Pensylvanie ou le Massachusetts, mais elle possède une institution très remarquable qui peut, elle aussi, produire des résultats excellens. C’est une sorte de gouvernement démocratique au sein des communes qui rappelle à la fois les temps primitifs, où tous les membres de la tribu participaient à l’exercice de la souveraineté, et les lois américaines, qui soumettent la décision de certaines questions importantes au vote de tous les citoyens. Dans les provinces lombardes, toute propriété foncière, quelque minime qu’elle soit, confère le droit de participer directement à l’administration des affaires communales. En vertu d’une organisation qui date de 1755 et qui a été confirmée en 1816, et même en 1851, tous les propriétaires de la commune, grands et petits, se réunissent deux fois par an, — c’est le convocato, — pour voter le budget communal, régler les dépenses, arrêter les travaux publics, choisir les maîtres d’école, le médecin, et trois membres qui, sous le nom de deputazione triennale, constituent le pouvoir exécutif. Sur les 1,587 communes qui s’administrent par convocato generale, 522, ayant plus de 300 propriétaires, sont forcées, pour éviter les assemblées trop nombreuses, de renoncer au gouvernement direct. Dans ces dernières communes, les propriétaires nomment 30 conseillers qui les représentent et qui remplissent les fonctions du convocato. Ces petites démocraties de propriétaires, dans lesquelles le possesseur du moindre lopin de terre a autant à dire que le seigneur du plus vaste domaine, doivent avoir préparé le peuple lombard, même sous un régime peu libéral, à l’exercice du self-government. Point de base plus solide que les libertés communales pour fonder le régime représentatif. Quand les citoyens s’intéressent aux affaires de la commune, quand ils aiment à les discuter, quand ils peuvent en décider d’une manière indépendante, la vie politique se développe, et avec elle l’aptitude à intervenir utilement dans le gouvernement de la chose publique. Puisque, même sous la domination de l’Autriche, les populations lombardes ont conservé l’heureuse habitude de prendre part à la gestion de leurs affaires, au moins dans la limite de la compétence du convocato, il est à croire qu’elles sauront mettre en pratique, au profit et à l’honneur de la patrie commune, les institutions libérales que le Piémont leur apporte. Ce qui peut confirmer cet espoir, c’est qu’en Lombardie le nombre des personnes éclairées est assez considérable. Les hautes classes y ont les connaissances communes aujourd’hui à toute l’Europe civilisée. En outre, il y a une bourgeoisie nombreuse, tant dans les villes que dans les campagnes,