Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui leur impuissance et l’inanité de leurs efforts, et l’on revient à la marche logique, dont les promoteurs sont Hunter, Bichat et Broussais.

Puisque la médecine physiologique a eu raison de ces adversaires sérieux, elle n’a pas à s’inquiéter des sectaires qui la provoquent sur le terrain de la thérapeutique : nous voulons parler des partisans de l’homœopathie, dont il suffira de rappeler ici les prétentions et les promesses. En bonne médecine, on procède au traitement d’une affection pathologique d’après l’axiome d’Hippocrate : « Les contraires sont guéris par leurs contraires ; » ce qui revient à dire que l’état anormal, qui est la maladie, doit être modifié par des agens capables de ramener la santé, en produisant des effets contraires et de tout point opposés à ceux de la cause morbifique : de là le terme d’allopathie, qui sert à désigner cette méthode thérapeutique. L’homœopathie procède tout autrement : une maladie étant donnée, elle s’efforce de produire par les médicamens une maladie semblable à celle qui existe déjà. On a de la sorte deux maladies au lieu d’une : la maladie spontanée que l’on veut guérir, et la maladie artificielle, provoquée en vue de la guérison. Voilà, en peu de mots, comment procèdent en thérapeutique les partisans de la méthode homœopathique, et voici comment ils raisonnent. Deux maladies semblables ne peuvent exister dans le même organe : en provoquant une maladie artificielle, on détruit la maladie spontanée, et celle-ci étant détruite, on fait disparaître à volonté la maladie artificielle, en suspendant en temps utile le médicament qui l’a provoquée. Il faut convenir que cette méthode ingénieuse simplifie singulièrement la thérapeutique par les ressources certaines et infinies qu’elle prétend puiser dans la matière médicale. La grande difficulté dans la pratique consiste à trouver des agens capables de produire l’effet désiré, difficulté considérable surtout quand on veut appliquer des médicamens doués de la propriété de produire des symptômes semblables à ceux qu’on cherche à faire disparaître ; mais cette difficulté a été prévue. Tout le traitement se réduisant à combattre les symptômes du mal en leur substituant les symptômes du remède, et le mal étant produit par une cause purement abstraite, des doses minimes et infiniment petites ont toujours assez d’énergie pour provoquer sur la partie souffrante des symptômes un peu plus intenses que ceux de la maladie. De là les dilutions, et les globules, et les fractions infinitésimales, et ces élégantes pharmacies qui font tant de bruit et qui tiennent si peu de place. Il n’y a dans tout cela qu’hypothèse et fiction pure. Il n’est point démontré par l’expérience qu’un médicament produise des symptômes semblables à ceux qui résultent de la lésion d’un organe : elle n’est pas démontrée non plus, cette analogie qu’on prétend exister entre l’action d’un médicament