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le médecin, car la philosophie se compose de tous ces élémens, et la médecine embrasse toutes les sciences, puisqu’elle se sert de toutes et ne saurait se passer de leur concours.

À ceux qui seraient tentés de croire qu’il y a là exagération ou parti-pris de subordonner la médecine à un système de philosophie, il suffira de faire remarquer que la pratique même de la médecine dépend de certaines connaissances ou sciences concrètes, dites avec raison sciences médicales ; telles sont la pathologie, l’histoire naturelle, la physique et la chimie appliquées, l’hygiène, l’anatomie et la physiologie. Or il suffit d’avoir quelques notions sur la hiérarchie scientifique pour ne pas ignorer que toutes ces connaissances ou sciences concrètes se rattachent diversement aux connaissances générales ou sciences abstraites, et il n’en saurait être autrement, puisque la connaissance de l’homme, obligatoire pour le médecin, embrasse non-seulement l’homme même, mais encore tout ce qui l’intéresse et par conséquent tout ce qui est hors de lui : donc tous les phénomènes, tous les actes, tous les faits accessibles à l’intelligence sont du ressort de la médecine, et partant les lois qui président à leur production. Hippocrate avait donc raison de dire que la connaissance parfaite de la nature humaine ne peut venir que de la médecine, étudiée, ainsi qu’elle doit l’être, dans ses rapports avec les autres sciences, et cette vue du génie a été confirmée par le temps. La science des sociétés, qui est le couronnement de toutes les autres, est elle-même en relation intime avec la médecine. Ce n’est pas ici le moment de mettre cette relation en évidence ; contentons-nous de rappeler que les profonds aperçus d’Hippocrate, dans son livre des airs, des eaux et des lieux, sur les rapports qui existent entre les conditions extérieures et le caractère des peuples, ont été repris par Aristote dans sa Politique, et fécondés plus tard par le génie de Montesquieu. Et voilà comment des six sciences qui dans leur ensemble constituent la philosophie ou science générale, il n’en est pas une seule qui n’intéresse la médecine.

Des six sciences abstraites, la cinquième par ordre hiérarchique intéresse particulièrement le médecin : c’est la biologie ou science des corps organisés. Le but de cette science est d’arriver à connaître par les lois des phénomènes que ces corps manifestent les lois de leur organisation, et réciproquement. Les êtres organisés peuvent être considérés à un double point de vue, statique et dynamique, selon qu’ils sont aptes à agir ou qu’ils agissent. L’anatomie, la biotaxie, ou classification scientifique des êtres organisés, et la science des milieux étudient le premier état, c’est-à-dire l’organisation des êtres, les lois de leur arrangement en groupes naturels d’après la conformation des organes, et leurs relations avec les choses extérieures. La considération de l’état dynamique appartient à la physiologie,