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deux collaborateurs ont songé à faire autre chose qu’un travail de révision, travail où la patience et l’exactitude suffisent : ils ont tendu plus haut. On trouve dans leur œuvre ce qui manque dans les traités didactiques et trop souvent aussi dans les démonstrations et les leçons orales, à savoir des règles pour la direction de l’esprit, des principes solides, des doctrines conformes à la réalité des choses et aux dogmes d’une saine philosophie, enfin un système scientifique, sans lequel on ne saurait avoir la conception du monde, ce qui constitue la science même, ni embrasser l’ensemble du savoir humain, les élémens qui le composent et leur enchaînement. On vient de montrer la tendance actuelle de la médecine, qui se renferme dans l’étroite observation des faits. Le Dictionnaire de MM. Littré et Robin est une tentative pour provoquer dans les études médicales un mouvement plus élevé et plus fécond. Examiner les principes qui ont dirigé les auteurs, ce sera indiquer peut-être la voie où la médecine moderne est appelée à marcher.

C’est par la conception philosophique que le Dictionnaire de médecine se distingue surtout, c’est à elle qu’il doit l’unité de son ensemble. Disciples tous deux de la philosophie positive, MM. Littré et Robin ont appliqué partout cette philosophie en l’expliquant selon les circonstances. Concevoir les choses telles qu’elles sont, par les moyens de connaître qui sont en nous, suivre les phénomènes et les rapporter aux lois invariables qui les régissent, s’abstenir de rechercher l’essence intime des objets et de poursuivre l’absolu, tels sont les principes fondamentaux de cette philosophie. Le relatif est son domaine, et elle abandonne à la métaphysique et à la théologie les causes premières et les causes finales, les questions de fin et d’origine, inaccessibles à l’intelligence et désormais intempestives. Dans l’ordre des connaissances humaines, elle établit deux classes et divise les sciences en abstraites et concrètes : la science abstraite embrasse les théories générales, la science concrète s’occupe d’un objet particulier. Cette distinction est capitale ; elle permet d’établir une hiérarchie entre les sciences abstraites en commençant par les plus simples et les plus générales et en passant Successivement à celles qui sont moins générales, et plus complexes. La mathématique, l’astronomie, la physique, la chimie, la biologie et l’histoire ou sociologie forment le cercle complet des sciences abstraites : elles se développent successivement et ne peuvent se passer les unes des autres, hormis la première, à cause de son extrême simplicité. Dans cet ensemble rentrent tous les élémens du savoir humain, les spéculations sur les nombres, les grandeurs et les mouvemens, les phénomènes inorganiques, ceux du monde organisé et des sociétés. C’est toute la philosophie, si ce mot, d’un usage commun et d’une application