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II

Il est assez ordinaire de confondre l’agitation avec le progrès, c’est-à-dire les secousses violentes résultant de l’abus des forces avec les mouvemens continus et réglés dirigés vers un but. Des premières, l’effet est passager, quel qu’il soit d’ailleurs ; des autres, il est durable et utile. L’action permanente est toujours efficace, lente, mais sûre. Il peut être convenable de rappeler ces vérités trop oubliées aux impatiens qui perdent courage faute de bien voir ce qui se passe autour d’eux.

La question de milieu est essentielle en toutes choses : tout le reste en dépend, donc c’est par là qu’il faut commencer. La médecine contemporaine vit et se meut dans une atmosphère tranquille. Plus de polémiques ardentes et implacables, plus de dissensions scandaleuses, plus rien en un mot qui révèle une vie exubérante. L’activité intérieure ne se manifeste plus au dehors par l’éclat des œuvres, ni par la nouveauté des doctrines, ni par les idées hardies qui ébranlent les opinions et entraînent irrésistiblement les esprits. Les séductions d’hier ne seraient plus possibles aujourd’hui : l’enthousiasme est mort, et l’indifférence a tout envahi. Le fond de tous les enseignemens est le même : une observation exacte, dont la rigueur étroite semble exclure toute élévation et tenir les idées à l’écart ; des faits notés avec soin et consciencieusement recueillis, puis des faits encore, et rien que cela ; des matériaux immenses amassés lentement, avec une patience infinie ; des détails minutieux, d’une précision merveilleuse, et une application des sens aux phénomènes si parfaite que les impressions perçues ne laissent rien à faire à l’esprit. L’habileté manuelle tient lieu de sagacité, et l’art de voir, de toucher et d’entendre supplée à l’association des idées et aux combinaisons de l’intelligence. Tout cela s’appelle la médecine exacte et se combine aisément avec la statistique et le calcul des probabilités. Pour acquérir ces connaissances précises, la bonne volonté et l’exercice suffisent. Bacon n’a-t-il pas dit que la méthode expérimentale, destinée à mettre du plomb à l’esprit, devait un jour niveler les intelligences ? Ce jour est venu ; l’honnête médiocrité prédite par lui étend au loin son domaine. La médecine exacte est aussi la médecine facile, accessible à tous : la vocation n’y fait rien. Des procédés ingénieux usurpent le titre de méthode : peu d’artistes, mais beaucoup d’habiles manœuvres. Toute la médecine consiste en observations, voilà leur symbole. Observer est beaucoup sans doute, mais il faut examiner d’abord, il faut ensuite méditer, réagir sur les phénomènes perçus, faire en un mot acte de raison et d’intelligence. Percussion, auscultation, mensuration, appréciation par le