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paraître la justification de cette évaluation, puisqu’il y faudrait ajouter la quantité qui passe hors de la portée des ramasseurs et celle que le frottement réduit en sable dans le trajet.

Dans cette recherche des causes » de l’encombrement de l’embouchure de la Seine, les découvertes pénibles se multiplient à chaque pas. Le contingent des falaises de Caux dans les atterrissemens est fort supérieur à celui de la haute Seine, et il est peu de chose auprès de celui des côtes et du talus sous-marin de la Basse-Normandie. On le devine à la simple inspection des deux côtes qui convergent vers Le Havre ; on est convaincu dés qu’on porte son attention sur les points d’arrivée de leurs dépouilles.

Le courant de flot qui va du cap de Barfleur à l’entrée de la Seine a huit fois la longueur de celui qui descend du cap d’Antifer. Il a peu de prise sur les roches granitiques qu’il côtoie en amont de La Hougue ; les débris qu’il recueille en commençant sa course sont surtout des sables marins et des coquilles brisées, et il les laisse dans la baie des Vays et sur les bancs de La Hougue et du Cardonnet. Après les Vays, il corrode, de Moisy à Arromanches, le pied des falaises marneuses dont les dépouilles ont déjà transformé en herbages les anciennes baies de la Seule, de l’Orne et de la Dives ; il échancre ensuite le long de la plaine de Caen la terrasse sous-marine dont l’élévation réduit la profondeur des ports de cette côte, et que réparent sans cesse les sables de fond poussés par les vents du nord. Il arrive, devant la pointe de Beuzeval, chargé des terres friables qu’il a enlevées depuis les Vays, et de l’entrée de l’embouchure de la Seine jusqu’à Honfleur, on assiste partout au travail d’alignement de la côte, auquel concourent la terre en abandonnant ses parties saillantes, la mer en en transportant la poussière vers l’est.

Trouville est le lieu le mieux choisi pour ce genre d’observations. On n’aperçoit nulle part si bien la vivacité du flot, la mollesse relative du jusant, et les effets de la différence de ces deux forces. Le premier témoignage de l’affluence des matériaux arrachés aux côtes du Calvados qui frappe les yeux est le marais et la dune de Deauville, qui embrassent, entre la rive gauche de la Touques et le pied du mont Canisy, une surface de 240 hectares. Une division de la flotte avec laquelle le bâtard de Normandie allait conquérir l’Angleterre stationnait en 1066 dans l’anse dont ces terrains ont pris la place. Sans doute la côte d’où se sont détachés ces débris n’était pas à cette époque dans l’état où nous la voyons aujourd’hui : les dentelures n’en étaient pas émoussées, et la mer avait plus de prise sur leurs aspérités ; mais les alluvions trouvent plus loin des plages qui les alimentent. Le mouvement de translation des sables continue de l’ouest à l’est, et la plage de Trouville en offre à cette heure