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apportent à ses marchés, et l’hospitalité qu’il donne ne lui est pas moins profitable qu’à ceux qui la reçoivent.

En résumé, le port du Havre, en raison du travail et du luxe qu’il alimente, fait aujourd’hui le tiers de notre commerce maritime. La perception des droits de douane s’y est élevée en 1857 à 43,856,000 fr., en 1858 à 41,676,000 fr. il fournit le cinquième du produit de cette branche du revenu dans la France entière[1], et ces chiffres témoignent surabondamment que les fonds consacrés au développement de l’établissement maritime qui donne de pareils résultats ne sont pas les plus mal employés de ceux dont dispose l’état.

Il semble que lorsqu’une nation possède un établissement de la valeur de celui du Havre, elle devrait, avant même de chercher à l’étendre, veiller avec la sollicitude la plus inquiète à sa conservation, et écarter avec une inflexible résolution tout ce qui pourrait la compromettre ou la menacer. Ce n’est point ainsi que se passent toujours les choses parmi nous. Un projet d’endiguement, dont l’exécution est déjà beaucoup trop avancée, tend à substituer à la baie allongée qui forme de Quillebeuf au Havre l’embouchure de la Seine, un chenal dont les dimensions seraient réglées sur les convenances de la navigation des ports d’amont et sur les avantages agricoles de la création d’une étendue de 15 à 20,000 hectares de terres excellentes. La perspective de pareils succès est faite pour exciter une glorieuse ambition. Des autorités infiniment respectables affirment, avec une conviction dans laquelle il est impossible de découvrir la moindre trace de complaisance, que ces succès seront obtenus sans qu’il en résulte aucun détriment pour l’atterrage du Havre ; mais d’autres voix, non moins accréditées, non moins indépendantes, affirment au contraire que la conséquence inévitable de la continuation des travaux entrepris sera l’exhaussement rapide des dépôts formés à l’embouchure de la Seine, et qui en interdisent pendant vingt heures par jour l’accès aux grands navires. Les villes de Rouen et du Havre sont sur cette grave question d’avis diamétralement opposé ; mais les entraînemens des intérêts locaux ne permettent d’admettre qu’avec une extrême circonspection les

  1. Les perceptions de toute nature opérées par le service des douanes ont rendu en 1858 :
    fr. fr.
    Droits d’entrée
    184,052,609  
    Droits de sortie
    3,796,821  
    Droits de navigation
    3,793,952  
    Total
    191,643,382  
    Droits et produits accessoires
    2,076,276  
    Taxe des sels
    27,829,558  
    221,549,216