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IV

Ce fut à Londres, où il s’était rendu après son séjour au Cap, que M. Ellis reçut la permission, tant de fois sollicitée, de visiter Atanarive. Pour mettre à profit sans retard la bonne volonté de la despotique souveraine, il s’embarqua en mars 1856 sur un steamer de la compagnie orientale. Cette fois, au lieu de doubler le Cap, il suivit ce qu’on appelle la route de terre [overland), c’est-à-dire la Méditerranée, l’isthme de Suez, et se rembarqua sur la Mer-Rouge. Vingt-deux jours après il était à Ceylan. De là, retraversant la mer des Indes, il gagna Maurice, et au mois de juillet il revit Tamatave.

La réouverture de ce port lui avait donné une physionomie plus animée que précédemment, et le commerce avait accru le bien-être des habitans, comme il était facile de s’en apercevoir au costume et à la tenue générale. Dans l’intervalle de deux années, des quantités énormes de riz et plus de quatre mille bœufs avaient été exportés dans les seuls ports de Maurice. Cependant cette prospérité venait de subir un fâcheux ralentissement à la suite du bruit qui s’était répandu d’une expédition concertée par la France et l’Angleterre contre Madagascar, et peut-être le désir de se rapprocher de l’Angleterre n’était-il pas étranger à la détermination, prise enfin par la défiante Ranavalo, d’entr’ouvrir les portes de sa capitale. On remit au missionnaire une lettre du prince royal dans laquelle celui-ci lui adressait ses complimens et se promettait un grand plaisir de sa visite ; puis le secrétaire du gouvernement de la reine fit donner à M. Ellis un laisser-passer jusqu’à la capitale, accompagné d’un permis de séjour d’un mois. De son côté, le missionnaire était chargé d’un message d’amitié de son gouvernement et de divers présens, parmi lesquels figurait un télégraphe électrique, qu’il s’était exercé, pendant deux mois de son séjour à Londres, à manier, afin de faire connaître à ses amis de Madagascar, qui l’en avaient souvent sollicité, cette merveilleuse invention. En passant par les mains de la douane de Tamatave, l’appareil excita au plus haut point l’intérêt et la curiosité. Le gouverneur s’empressa de prier M. Ellis de vouloir bien faire fonctionner devant lui le télégraphe, et il se rendit, accompagné des principaux de la ville à la demeure de M. Provint, où l’appareil avait été transporté, parce que la foule ne cessait d’encombrer la maison du missionnaire. Le rapport du fil avec les batteries, les propriétés de la pile, le jeu des aiguilles, excitaient l’admiration ; mais l’enthousiasme fut à son comble lorsque, l’instrument dressé, M. Ellis se mit à converser avec le gouverneur à la distance de