Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte ouverte : aussi du matin au soir sa maison ne désemplissait pas de visiteurs. On y parlait l’anglais, le français, le malgache ; beaucoup s’exerçaient à lire, à écrire ; les volumes et les journaux illustrés avaient le plus grand succès : c’était à qui contemplerait, dans les numéros de l’Illustrated London News, la reine Victoria, lord Palmerston ou les funérailles du duc de Wellington. On sollicitait aussi de l’Européen des consultations médicales, car la petite caisse de médicamens dont il était muni lui donnait un air de grand docteur, et il fallait qu’il soignât des fièvres, des maux de tête, et que de temps à autre il arrachât une dent. En échange, on lui enseignait la vertu des herbes médicinales contre les piqûres des mille-pieds, des scorpions et des autres bêtes venimeuses qui abondent à Madagascar. Ce qui mit le comble à la popularité du missionnaire, ce fut l’heureux emploi qu’il fit de son appareil photographique. Quand cette machine étrange avait passé par les mains de la douane, elle avait excité une extrême curiosité ; ce fut bien autre chose lorsque, l’appareil installé par un beau jour, un des assistans fut invité à se placer en face. C’était un homme qui portait un signe sur la joue. L’expérience achevée, chacun se précipita pour contempler le résultat : l’image était venue à merveille. Quand on vit cette figure si ressemblante, avec son signe particulier, ce fut un cri unanime de joie et d’admiration. Tous voulaient avoir de même leur ressemblance prise par le soleil : les femmes couraient chercher leur peigne et de petits miroirs pour s’ajuster, les hommes tiraient des coffres leurs plus somptueux lambas écarlates ou jaunes ; seulement ils se montrèrent quelque peu désappointés quand le missionnaire leur fit savoir qu’il n’avait pas le moyen de reproduire ces riches couleurs. Beaucoup demandaient qu’on les représentât avec leur maison ; mais ce n’était pas une opération facile, parce qu’au moment où l’appareil était ajusté, il y avait toujours quelque indiscret qui se jetait au-devant pour figurer dans le tableau. D’ailleurs avait son portrait qui voulait, à la seule condition de permettre au missionnaire de s’en réserver une épreuve, et c’est ainsi que celui-ci a composé une collection ethnologique d’un grand prix, où figurent les types des familles diverses et mélangées qui peuplent Madagascar. On y retrouve le noir aux cheveux laineux, qui évidemment a abordé l’île par le canal de Mozambique ; l’Indien, qui doit y être descendu par les Maldives et les groupes d’îlots et de rochers qui s’échelonnent jusqu’au cap d’Ambre, et le Polynésien, apporté de bien plus loin encore par le Pacifique et la mer des Indes. Le Hova s’y distingue par un angle facial ouvert, un front développé, ses cheveux lisses, ses traits assez bien proportionnés et son teint souvent clair. Ces hommes rappellent les Peulhs ou Fellatahs, que les