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par une fleur double. Le voyageur eut la joie de transporter sa plante saine et sauve à Maurice, de l’y conserver vivante, et c’est à la persévérance de ses soins que sont dus les beaux pieds d’ouvirandra que nous avons pu admirer dans Régent’s-Park et Crystal-Palace.

Au bout de quinze jours, la réponse de la reine arriva : sa majesté demandait comme indemnité pour l’affaire de Tamatave 15,000 dollars. À ce prix, elle consentait au renouvellement des relations de commerce. Ce premier point fut seul obtenu ; la reine n’avait répondu sur le reste que d’une façon évasive, sans ôter cependant aux Européens toute espérance de pouvoir par la suite pénétrer dans l’intérieur. En attendant le moment favorable à cette nouvelle expédition, le petit bâtiment remit à la voile, passa sous le cône massif de Bourbon, et ne tarda pas à voir se dessiner dans le lointain les riantes vallées, les montagnes verdoyantes, les blanches villas qui enveloppent Port-Louis. Notre ancienne colonie allait, durant plusieurs mois, retenir le missionnaire, et nous nous arrêterons avec lui dans cette île, qui, au milieu de l’activité que lui ont imprimée ses nouveaux maîtres, conserve bien des traits encore de sa physionomie française.


II

La capitale de l’ancienne Ile-de-France s’élève sur les bords d’une baie enfermée de trois côtés par des montagnes que domine le Pouce, piton haut de 2,800 pieds. Son port vaste et sûr est protégé par une citadelle placée au sommet d’un cap escarpé. L’aspect des quais, des constructions, de l’hôtel du gouvernement, vus de la mer, est imposant. À droite et à gauche s’étendent comme deux villes distinctes le camp des coolies et celui des créoles ; les premiers sont des Indiens amenés de la côte de Malabar, les autres des hommes de couleur de toute nuance venus d’Afrique et de Madagascar, esclaves affranchis et fils d’esclaves. Le quartier des coolies est signalé au loin par une espèce de coupole et de minaret, et les huttes des créoles s’échelonnent en amphithéâtre au milieu de la verdure. On ne compte pas moins de dix mille Indiens à Port-Louis, et ce n’est, à ce qu’il paraît, que la huitième partie de ce que l’île entière en contient. Ces hommes sont industrieux, durs au travail, mais ils vivent à part sans se laisser pénétrer par les habitudes étrangères ; les ministres anglicans n’obtiennent au milieu d’eux aucun succès, et c’est en vain qu’on a voulu plier leurs enfans à l’éducation anglaise.

La population de Port-Louis, qui ne s’élève pas à moins de soixante