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a dix ans, toutes les contrées allemandes. Du Rhin à la Vistule et de la Baltique aux Alpes, il n’est pas une ville, petite ou grande, qui n’ait déjà son programme de réjouissances publiques. Dans les villages même, où tant de strophes du poète sont encore populaires, bien des hommages l’attendent, qui ne seront pas les moins touchans. D’un bout de l’Allemagne à l’autre, on peut le dire, cette journée du 10 novembre appartiendra tout entière au généreux chantre, de l’idéal et de la liberté.

Cette joie, cette ferveur, ce culte des grands poètes, ces millions d’hommes séparés par tant d’intérêts contraires, qui s’unissent dans un même sentiment d’amour et de vénération pour les héros de la vie morale, c’est là un symptôme précieux en toute époque, plus particulièrement précieux au temps où nous vivons, et que l’historien ne doit pas laisser dans l’ombre. L’histoire littéraire d’ailleurs, autant que l’histoire des idées morales, en conservera le souvenir. Parmi les apprêts de cette belle fête nationale, parmi les présens et les hommages qui arrivent de toutes mains, il faut citer une série d’ouvrages consacrés à Schiller. Le savant éditeur de Lessing, M. Wendelin de Maltzahn, publie avec un soin religieux l’édition séculaire (Sœcularausgabe) des œuvres complètes du noble poète. Sous ce titre : la Vie et les Œuvres de Schiller, un écrivain consciencieux, M. Emile Palleske, met au jour deux volumes remplis d’appréciations excellentes et de renseignemens de toute sorte. M. Julien Schmidt, l’énergique défenseur des grandes traditions de son pays, vient de faire paraître un sérieux travail intitulé Schiller et ses Contemporains, offrande pour le 10 novembre 1859. Citons encore l’ouvrage de M. Jean Scherr, Schiller et son Temps, écrit de fête (ainsi s’exprime l’auteur), écrit de fête pour l’anniversaire séculaire de la naissance du poète (Eine Festschrift zur Saecularfeier seiner Geburt). « Après une longue et scrupuleuse préparation de mon travail, dit M. Scherr, voyant s’approcher l’anniversaire séculaire de la naissance de Schiller, je fis remarquer à mon éditeur que c’était le moment le plus convenable pour la publication de mon livre. Il accueillit, cette pensée avec feu, et voulut que cette nouvelle biographie du poète devînt en même temps un écrit de réjouissance (Jubelschrift), un livre dont la forme extérieure fût aussi un hommage, et un hommage digne de l’immortel génie auquel l’Allemagne et l’humanité tout entière doivent une reconnaissance qu’elles n’acquitteront jamais. » La principale édition de Schiller et son Temps est en effet un ouvrage magnifique qui fait grand honneur à l’éditeur, M. Otto Wigand, et aux artistes qui lui ont prêté leur concours. Nous ne signalons ici que les publications les plus importantes ; si nous voulions indiquer toutes les offrandes que la littérature et les arts ont consacrées au grand poète, nous aurions à dresser un catalogue. Ici, c’est une série de portraits qui nous font connaître la famille et les amis de Schiller, son père, sa mère, sa sœur Nanette, le confident de toutes ses pensées, Koerner, et sa protectrice, la duchesse Amélie ; là, c’est une Galerie de Schiller où deux artistes d’un rare talent, M. Frédéric Pecht et M. Arthur de Ramberg, ont essayé de donner une physionomie réelle aux idéales créations de son théâtre. N’oublions pas une curiosité des plus précieuses, un portrait de Schiller âgé de vingt et un ans, portrait composé, selon toute vraisemblance, en 1780, par P.-K. Hetsch, camarade du poète à l’académie de Charles et plus tard directeur