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de plusieurs milliers de femmes exerçant sur les classes les plus nombreuses l’irrésistible influence de la charité ? On assure pourtant que l’évêque d’Exeter a donné son approbation au projet d’une communauté protestante de femmes vouées à des œuvres pieuses et charitables. On parle même d’un noviciat et de vœux prononcés pour cinq ans. Ce serait là une véritable réforme de la réforme ; mais voici un résultat positivement acquis à la cause du progrès. Le 29 septembre 1859, les nouveaux bâtimens de la maison de miséricorde ouverte dans la paroisse de Ditchingham (comté de Suffolk) aux femmes repenties de toute l’Angleterre ont été inaugurés par une cérémonie religieuse. Le recteur, en exposant l’objet et la discipline de l’établissement, a fait connaître que le service intérieur en était confié à des sœurs qui désiraient vivre et mourir dans cet asile, bien qu’elles ne s’y fussent point engagées par des vœux perpétuels.

La philanthropie anglaise est inépuisable, quoique souvent mal dirigée, et les besoins du paupérisme en Angleterre paraissent incalculables, comme les chances de l’industrie et du commerce, sources de la richesse des uns et causes de la misère des autres. On essaierait en vain d’évaluer numériquement cette population, plus habituée à l’intempérance qu’à l’épargne, et jetée subitement par les crises industrielles d’un état d’aisance relative dans le plus absolu dénûment. Aux neuf cent mille indigens assistés par les paroisses, il faut ajouter ces innombrables habitans des rookeries visités par les missionnaires de Londres, les pauvres honteux, ceux qui aiment mieux mourir de faim avec leur femme et leurs enfans que de s’en séparer pour entrer au workhouse, ceux qui préfèrent une détresse momentanée à l’irréparable indigence où les plongerait la vente de leur mobilier et de leurs instrumens de travail, rendue nécessaire par leur admission dans cet établissement, les journaliers des campagnes dans les temps de neige, les ouvriers des villes trop peu rémunérés et ceux que les chômages laissent sans pain. Il existe à la vérité vingt-sept mille sociétés de secours mutuels officiellement reconnues, sans compter un grand nombre d’autres qui ne le sont pas ; mais les artisans les moins payés et les habitués des palais du gin n’en font point partie.

Nul autre pays que je sache ne s’impose autant de sacrifices en faveur de l’indigence ; malheureusement cette bienfaisance manque souvent son but, faute d’une direction éclairée, faute d’unité d’action. Des associations trop multiples peut-être, et qui seraient plus puissantes en se réunissant, se sont formées dans toutes les parties de l’Angleterre. Les unes fournissent du charbon pendant l’hiver, les autres établissent des banques pour les petites épargnes ;