Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sujet un publiciste anglais, c’est ce que notre divin médiateur citait comme une des plus incroyables cruautés, et c’est ce qui se fait de notre temps dans ce pays. » Et, le croirait-on ? cet asile n’est même pas ouvert à tous ceux qui le réclament ! Bien des infortunés, en arrivant au seuil du workhouse, apprennent, par un écriteau fixé à la porte, que le quartier ne peut plus recevoir personne (the casual ward is full). Il résulte d’un rapport présenté à la chambre des communes que, dans le cours de l’exercice finissant à l’Assomption de 1857, 66,009 admissions au logement nocturne ont été accordées par quinze des principaux workhouses de Londres, sur un nombre beaucoup plus grand de demandes.

On vient de voir ce que tant d’amendemens de la loi, tant d’efforts pour en améliorer la pratique, laissent encore subsister d’abus dans le régime des workhouses, et l’on ne doit pas s’étonner que les juges les plus compétens en Angleterre le déclarent indigne d’une nation chrétienne. Si, dans les villes, à défaut de maisons de charité (alm’shouses) telles qu’on en fondait autrefois, le workhouse est nécessaire pour recueillir les pauvres, parce qu’ils n’ont ni feu ni lieu, dans les campagnes du moins on pourrait aisément laisser les vieillards achever leur existence dans leurs foyers. Un shilling par semaine, ajouté par la charité privée aux 2 shillings 6 pence de la paroisse, suffirait pour les entretenir au sein de leur famille. Quant aux autres habitans du workhouse, tout le monde le sent bien, ce sont surtout les consolations et la douce influence des femmes qui manquent à ces malheureux. L’Angleterre voudrait avoir aussi ses sœurs de charité, sous un autre nom sans doute, et sans les vœux, qui rappelleraient trop une institution papiste. L’Allemagne lui offre un utile exemple. Il existe depuis quelque temps à Kaiserswerth, près de Dusseldorf, un établissement où Mlle Florence Nightingale a fait son éducation hospitalière, et sur lequel elle a donné tous les détails désirables. Il renferme à présent cent soixante diaconesses, toutes vouées aux soins des malades, des aliénés, des femmes repenties, ainsi qu’à l’éducation des enfans. Il faut souhaiter qu’un asile semblable s’établisse en Angleterre, où les élémens de pareilles institutions se trouvent en si grand nombre ; car, par suite des émigrations, la population féminine dépasse de 500,000 le nombre des individus de l’autre sexe, et, dans la plupart des métiers qu’elle exerce, l’insuffisance des salaires la condamne aux privations les plus dures ou aux plus déplorables désordres. Le haut clergé paraît opposer une invincible répugnance à l’idée d’une institution qui relèverait une partie de l’édifice renversé par la réforme du XVIe siècle. Il s’alarme déjà de l’existence de deux ou trois pauvres couvens de la secte puseyiste. Qui peut calculer les conséquences de l’abjuration