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parlement ; il lui fut aussi loisible de nommer des inspecteurs pour la seconder dans l’exécution de tous ses actes, visiter les vorkhouses, examiner les comptes et procéder à des enquêtes de toute nature.

Grâce à de nouvelles mesures, le vagabondage ne tarda pas à entrer dans une période de décroissance ; le chiffre des taxes, qui en 1848 avait atteint le maximum de 6 millions de livres sterling, Commença aussi à diminuer, et en 1850 il n’était plus que de 5,375,000 livres. Nul doute que les restrictions apportées à l’assistance n’aient opposé une digue salutaire à ce paupérisme menaçant pour l’existence de la société anglaise. Ce serait toutefois tomber dans une étrange erreur que d’attribuer cette amélioration soudaine à des réformes dans l’administration de la loi des pauvres. Le véritable résultat de l’acte d’amendement de 1834 et des mesures subséquentes a été l’interdiction des secours publics aux gens en état de s’en passer ; mais un mode d’assistance plus ou moins intelligent n’impliquait les moyens ni de maintenir les salaires à un taux rémunérateur, ni de mettre le prix du pain à la portée de tout le monde. On a attribué ce temps d’arrêt dans la progression de la misère à une autre cause. On a écrit ici même, dans une étude d’une haute portée[1], que le régime intérieur de l’Angleterre avait été évidemment amélioré depuis l’adoption du libre-échange par l’accroissement de la production industrielle et par l’abaissement du prix des objets de première nécessité. Nos études personnelles nous conduisent à une appréciation un peu différente de la réforme de sir Robert Peel, ou plutôt de M. Richard Cobden, réforme nécessaire sans doute, mais bien plus recommandable, selon nous, par le mal qu’elle a prévenu que par le bien qu’elle a fait. Elle a écarté le péril imminent d’une disette et d’une révolution, favorisé la production agricole et l’industrie manufacturière, accumulé de nouvelles richesses entre les mains des propriétaires, des capitalistes et des spéculateurs ; mais elle n’a ni diminué le prix du blé (les mercuriales officielles en font foi), ni augmenté le prix des salaires dans ces classes d’ouvriers à qui précisément l’on est redevable de la production de tant d’objets à bon marché. Pour obtenir ce bon marché, qui enrichit le fabricant par la quantité de la vente, il faut réduire autant que possible le prix de revient, et par conséquent le salaire. Voilà pourquoi, il y a tant d’ouvriers en Angleterre qui ne gagnent pas leur vie. La réforme commerciale n’a point amélioré cet état de choses, et tous les jours elle tend peut-être à l’empirer par les exigences de la concurrence étrangère et intérieure, à moins que l’industrie

  1. Voyez, dans la Revue du 1er avril 1859, la Philosophie de l’Économie politique.