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et épuisa, sans les abolir ni l’une ni l’autre, tous les amendemens que purent lui suggérer de graves et continuelles souffrances. Dès 1691, il fallut réviser la loi de domicile. Pour que les secours destinés aux indigens infirmes ne pussent être donnés aux paresseux, en vertu d’un statut de 1696 tous les assistés durent être marqués sur la manche droite de la lettre P, sous peine de la flagellation et de vingt et un jours de travaux forcés. Une amende de 20 shillings, dont la moitié pour le dénonciateur et l’autre pour les pauvres, fut édictée contre tout officier paroissial qui donnerait un secours à un individu ne portant pas cette livrée de la misère. Ces mesures restèrent en vigueur jusqu’en 1810.

Enfin l’année 1697 vit s’accomplir un premier et réel progrès, bien que les résultats en aient été incomplets : les diverses paroisses de la cité de Bristol formèrent, en vertu d’un acte du parlement, un syndicat pour l’entretien d’un workhouse commun, dont la direction fut confiée à un corps spécial. L’idée de ces associations (unions), appliquée aujourd’hui dans toute l’Angleterre, avait été pour la première fois émise sous le règne de Charles II par un homme d’un grand sens, le juge Hale, qui avait en même temps recommandé l’éducation professionnelle des enfans indigens. Ce qu’il y avait de défectueux dans ce projet, c’est que, conformément aux préjugés de l’époque, le juge Hale voulait faire du workhouse un atelier d’industrie et une source de profit pour les paroisses. Ce fut le contraire qui arriva par la suite ; mais dans les premières années l’expérience n’eut que de bons résultats : elle diminua le vagabondage, le chiffre de la taxe des pauvres et les frais de ces procès qui absorbaient une large part, des fonds destinés à l’assistance. Aussi le succès de Bristol donna-t-il bientôt lieu à des bills semblables en faveur de Worcester, de Hull, d’Exeter, de Plymouth, de Warwick et d’autres cités. Pendant tout le règne de la reine Anne, on s’occupa de l’amélioration de ces établissemens, où le travail était toujours considéré comme une source de profit pour les paroisses associées, malgré les préjudices qui pouvaient atteindre l’industrie extérieure et les ouvriers libres. Daniel Defoë signala en 1704 l’injustice et les inconvéniens de cette concurrence, qui tendait évidemment à augmenter le paupérisme. Au lieu de tenir compte de ses sages avis, on promulgua une nouvelle loi qui condamnait les vagabonds à la flagellation pendant trois jours consécutifs, puis aux travaux forcés dans la maison de correction, et en cas d’évasion à la peine de mort. Ce fut un des derniers statuts de la bonne reine Anne, qui mourut le 1er août 1714, emportant des regrets universels, auxquels toutefois les vagabonds et les rogues prirent probablement peu de part.