Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi la société contre des désordres qui auraient pu suivre et fausser la révolution politique. Les pouvoirs donnés dans chaque comté et dans chaque paroisse au shérif, aux juges de paix et aux autres officiers chargés du service de l’assistance et de la répression du vagabondage, contribuèrent puissamment à paralyser le parti des niveleurs et à prévenir des soulèvemens tels que ceux de Wat Tyler et de Jack Cade. C’est un des traits les plus remarquables de la révolution anglaise qu’au milieu de la lutte sanglante engagée entre le roi et le parlement, sauf les confiscations, qui mirent beaucoup de domaines entre les mains de la classe moyenne, aucune atteinte personnelle ne fut portée au droit de propriété. Nul esprit de charité cependant n’animait cette classe, qui élevait sa condition sans songer à améliorer celle des pauvres, devenus ses auxiliaires, et désignés sous le nom de têtes rondes. La bourgeoisie fondait son indépendance sociale et sa puissance politique ; mais le grand but du covenant, dit Hume, était de supprimer en Angleterre, comme on l’avait déjà supprimé en Écosse, l’usage du surplis, de l’étole et du bonnet carré.

Le protecteur n’eut guère le temps de s’occuper des mendians. La première mesure prise à leur égard par le parlement de Charles II fut le statut de 1662, connu sous le nom de loi de domicile, et qui pèse encore sur la condition des classes ouvrières de l’Angleterre. On attribuait l’inexécution de la loi des pauvres à leur accroissement continu et à la facilité qu’ils avaient de se transporter d’une paroisse, à une autre, choisissant celles où ils trouvaient les meilleures provisions, les communs les plus vastes pour bâtir des cottages et le plus de bois à brûler et à détruire pour toute sorte d’usages. En outre, Londres était encombré de vagabonds et décimé par la peste, dont les gîtes de ces malheureux étaient les foyers permanens. Les représentans de la capitale au parlement résolurent de la délivrer de ce fléau par un acte législatif, et, pour obtenir le concours de leurs collègues en faveur du statut qu’ils leur proposaient, ils y insérèrent une clause dans l’intérêt des propriétaires des comtés. Par cette loi nouvelle, les paroisses furent autorisées à renvoyer tout individu étranger à leur population domiciliée, dès qu’il paraissait pouvoir leur devenir onéreux. C’était faire revivre le statut de 1348 au détriment de la pauvreté laborieuse, pour qui l’assistance légale était bien loin, comme on l’a vu, de remplacer la charité des monastères. Il faut remarquer du reste que cette loi de domicile était comme un corollaire obligé du droit au travail, et qu’ici comme toujours un abus en engendrait un autre. La nation anglaise (et certes ce n’est pas un des moindres exemples de sa patience à élaborer ses lois) lutta pendant deux siècles contre les conséquences d’une mesure détestable, née d’une loi pire encore