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les indigens devait avoir le droit de forcer les pauvres valides à gagner leur vie par le travail. Du moment que l’oisiveté était toujours condamnée à un travail forcé, il ne fallait pas qu’elle pût jamais être involontaire, et on devait par conséquent assurer de l’ouvrage à tous les hommes de bonne, volonté. La législation fut donc amenée forcément par la logique de l’erreur à consacrer le droit au travail, comme elle avait consacré le droit à l’assistance. Pour prévenir les chômages, une provision de laine, de chanvre, de lin, de fer ou autre matière dut être achetée au moyen d’une taxe sur chaque habitant. Les pauvres qui gâtaient ou refusaient de mettre en œuvre ces matériaux durent être enfermés dans des maisons de correction que chaque comté, dans un délai de deux ans, eut à construire et à pourvoir d’outils, de matières premières et de stocks. C’étaient ces établissemens qui, dans l’œuvre de l’assistance publique, étaient destinés à remplacer les couvens et les monastères. Toutes ces mesures supposaient un mécanisme administratif beaucoup mieux organisé que ne l’était celui de l’Angleterre à cette époque. Elles restèrent sans application, et le paupérisme suivit une progression croissante, malgré les mutilations infligées aux rogues et la peine de mort édictée en 1562 contre les individus qui allaient grossir les bandes de gypsies. Enfin en 1597 parut le célèbre statut de la quarante-troisième année du règne d’Elisabeth, qui coordonnait toutes les dispositions précédentes, et qui, malgré de continuels amendemens, forme encore aujourd’hui en Angleterre la base de la loi des pauvres. Tous ceux qu’on arrêtait en état de contravention, y compris les musiciens et comédiens ambulans, les colporteurs, les saltimbanques, etc., étaient, en vertu de ce statut, fouettés jusqu’au sang et renvoyés dans leurs paroisses. Les récidivistes étaient fouettés encore de la même manière, mis en prison, puis déportés aux lieux indiqués par le conseil privé. Ceux qui rentraient dans le royaume étaient mis à mort. Le même acte interdisait à tout capitaine de navire d’amener en Angleterre aucun pauvre irlandais, écossais ou habitant de l’île de Man, sous peine d’une amende de 20 shillings. Mise en apprentissage des enfans indigens, occupation lucrative de tout individu manquant d’ouvrage, achat d’une provision de matières premières pour faire travailler les pauvres, assistance aux vieillards, aux infirmes et à tous les nécessiteux incapables de travailler, telles étaient les principales prescriptions de cet acte, considéré encore aujourd’hui comme le palladium de l’état social, bien que les conséquences du statut de 1597 aient amené le pays à deux doigts de sa ruine.

Il fallut plus de trente ans pour que ce mode d’assistance fût pratiqué dans un certain nombre de localités, et plus de deux siècles