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de la juridiction temporelle quiconque pouvait justifier de son titre clérical, c’est-à-dire était en état de lire un verset des saintes Écritures. On les remettait alors entre les mains de l’ordinaire, d’où ils sortaient presque toujours après un châtiment dérisoire. Un autre abus non moins énorme était celui du sanctuaire. Le droit d’asile, dont jouissaient les églises au moyen âge, était sans doute une compensation nécessaire aux violences et aux dangers de toute sorte qui menaçaient le faible et l’innocent, et nulle part il ne se trouvait plus justifié que dans un pays où toutes les calamités de la conquête s’ajoutaient aux rigueurs d’une législation draconienne ; mais cette protection avait dégénéré en une impunité intolérable. Le malfaiteur réfugié dans un de ces édifices en sortait souvent pour aller rôder dans la ville, et quand il rentrait dans l’asile, il ne pouvait en être tiré, de quelque nouveau crime qu’il se fût rendu coupable. Toute église assurait à chacun ce refuge pendant quarante jours, et si le voleur ou le meurtrier n’en pouvait sortir sans danger pendant ce délai, il déclarait vouloir quitter l’Angleterre. Alors il était conduit au port voisin, un crucifix à la main, et s’il y trouvait un vaisseau, on le laissait partir avec un « Dieu vous assiste ! » S’il n’y avait là aucun navire pour le recevoir, il entrait dans la mer jusqu’au cou et demandait trois fois le passage. Cette formalité se renouvelait jusqu’à ce qu’il se présentât un bâtiment, et alors le coupable s’y embarquait en sûreté.

On voit combien les vices et les crimes trouvaient d’encouragement dans toutes ces sauvegardes. Henri VII, dès qu’il eut étouffé les rébellions des premières années de son règne, rendit la répression du vagabondage plus rigoureuse, tout en prenant, dans l’intérêt de la misère inoffensive, des mesures qui témoignaient d’une préoccupation toute nouvelle de la part du pouvoir civil. Il abrogea pour les vagabonds la peine de l’emprisonnement, comme trop dispendieuse, mais il maintint, pendant trois jours et trois nuits, celle du stock au pain et à l’eau, en interdisant, sous peine d’amende, de donner aux patiens à boire ou à manger tant que se prolongeait ce châtiment, dont les malades et les mères de famille pouvaient seuls être dispensés. En même temps il exempta les pauvres de tous frais de justice, et il leur fit donner d’office des conseils et des avocats pour les défendre contre les applications arbitraires du septième statut de Richard II. Enfin il obtint du pape d’abord une bulle qui donnait à l’autorité civile le droit d’éloigner du sanctuaire les malfaiteurs récidivistes, et plus tard une admonition à certains établissemens monastiques.

La lutte de la civilisation anglaise contre le paupérisme prit avec Henri VIII un caractère plus marqué d’acharnement. La législation