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en ce qui concerne le chocolat, car on trouve le passage suivant dans un ouvrage dû au concours de quelques savans justement célèbres[1] ; il est bon de montrer quel était sur ce point l’état de la science à cette époque. « Nous ne craignons pas, disaient les auteurs de l’ouvrage en question, d’affirmer que le chocolat nourrit à la manière des fécules amylacées. » Or on sait parfaitement aujourd’hui que les fécules amylacées n’offrent jamais qu’une alimentation insuffisante, que jamais elles ne peuvent s’assimiler à nos tissus, que la confiance qu’on a pu leur accorder, en leur supposant quelque aptitude à remplir ce rôle, ne pouvait être que trompeuse, et souvent même a présenté de véritables dangers.

Quant aux propriétés nutritives du cacao et des préparations qui en dérivent, elles sont tout autres, plus complètes et bien réelles. En voyant l’amande du cacao offrir dans sa composition intime deux fois autant de substance azotée que la farine du froment, vingt-cinq fois plus de substance grasse, une quantité notable d’amidon, une saveur et un arôme très agréables, qui provoquent l’appétit, on est tout disposé à croire que ce produit végétal est doué d’un éminent pouvoir nutritif ; l’expérience directe dans une large mesure prouve chaque jour qu’il en est réellement ainsi[2]. Qui ne sait en effet que le cacao dégagé de ses enveloppes à l’aide d’une torréfaction légère suffisante pour développer son arôme, puis mélangé intimement avec un poids de sucre égal au sien, constitue la substance bien connue et de mieux en mieux appréciée sous le nom de chocolat ? Qui ne sait encore que ce produit est un aliment substantiel en toutes circonstances, capable d’apaiser la faim et de soutenir les forces durant les voyages et les fatigans exercices de la chasse, aliment

  1. Le Dictionnaire classique d’Histoire naturelle, volume publié en 1822.
  2. Dans la préparation du chocolat, certaines précautions ont assez d’importance et sont parfois assez négligées pour qu’il convienne de les indiquer ici. La torréfaction des graines, ménagée avec un grand soin, doit être assez brusque cependant pour dessécher et rendre friables les enveloppes sans trop fortement atteindre l’amande, qui n’en doit subir qu’une modification très légère. On les concasse, puis on les sépare des enveloppes ; les amandes sont alors mélangées avec leur poids de sucre blanc exempt de saveur et d’odeur désagréable. Le broyage du mélange de sucre et de cacao mondé doit être complété très finement a l’aide d’appareils mécaniques dont on favorise l’action par une élévation de température qui fait fondre la matière grasse. Dans cette opération, un fait remarquable, longtemps mis en doute, a été constaté définitivement : c’est l’influence des surfaces en fonte en contact, avec la pâte de chocolat, qui communique au produit alimentaire une teinte brune foncée et une saveur atramentaire désagréable. Dès lors les fabricans les plus habiles se sont décidés à remplacer toutes ces pièces en fonte par des pièces en granit on en porphyre. Les autres opérations consistent dans un moulage mécanique à chaud dans de petites caisses en fer-blanc imprimant sur les tablettes les divisions en doses de 24 à 32 au kilog., la marque et le nom du fabricant. Un local assez vaste, ventilé sous le sol, est destiné à refroidir et consolider promptement le chocolat, maintenu jusque-là pâteux par la chaleur.