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l’on en distribue d’autres rangées à des intervalles plus ou moins rapprochés dans la plantation même. C’est surtout trois mois avant la maturité des fruits du cacaoyer que l’on garnit le terrain de bananiers ; deux mois plus tard, toujours dans les mêmes vues, on intercale entre les rangs de bananiers des rangées de manioc. Ces plantations auxiliaires ne constituent pas d’ailleurs des frais en pure perte, elles fournissent plusieurs sortes d’utiles ressources alimentaires[1].

Lorsque le terrain est aplani, labouré profondément, le planteur marque en quinconce les emplacemens où doivent être déposées les graines de cacao, à l’aide de cordeaux et de piquets, à des distances régulières de trois ou cinq mètres, un peu plus grandes dans les terres très fertiles. Cette symétrie de la plantation offre un aspect agréable et facilite la surveillance du maître. Au temps de la maturité, elle est très favorable à la cueillée complète des fruits. On doit semer les graines parfaitement mûres et immédiatement après la récolte ou l’extraction des capsules, car elles ne conservent que très peu de temps leur qualité germinative. Trois graines sont placées à huit centimètres de profondeur autour de chaque piquet. C’est ainsi que l’on procède en beaucoup de contrées, notamment dans la province de Guayaquil, l’une des plus productives, bien que le cacao n’y soit pas d’une excellente qualité.

Dans les cultures du Venezuela, et parfois aux Antilles, afin d’éviter, dans certaines terres où pullulent les insectes et les rats, les ravages qu’exercent ces animaux nuisibles, on élève le plant en pépinière dans un sol très fertile et bien ameubli : on amoncelle à cet effet de petites buttes en terre de vingt-cinq centimètres de hauteur, dans chacune desquelles on dépose deux ou trois graines vers l’époque où l’arrivée des pluies peut être prévue ; sinon, il faudrait arroser tous les matins. On recouvre d’ailleurs les graines avec quelques

  1. Le bananier, dit Adanson, est la plante la plus utile de toutes celles que l’on cultive dans les Indes. À peine les bananes ont-elles été cueillies et la tige abattue, que le plus élevé des rejetons s’élance à son tour et ne tarde pas à fructifier. Les bananes vertes sont féculentes, et, soumises à la cuisson, remplacent le riz ou le pain ; les fruits mûrs sont doux et plus ou moins sucrés. Certaines espèces fournissent de longues et larges feuilles qui servent de nappes et de serviettes ; d’autres donnent des fibres textiles luisantes, employées à confectionner divers tissus solides ou légers. Quant à la plus utile des deux espèces de manioc, juca amara, par son abondante et savoureuse fécule, elle nourrit, sous les diverses formes de cassave, de tapioka, de cabiou, les populations des pays tropicaux, après toutefois que l’on a éliminé par les lavages ou une torréfaction légère le violent poison que recèlent les racines tuberculeuses. Ce poison volatil, dans lequel MM. Boutron et Henry ont reconnu l’acide prussique, donne au suc frais du manioc amer l’énergique propriété vénéneuse bien connue des nègres. Ceux-ci, au temps de l’esclavage, choisissaient ce poison pour se soustraire, en se donnant la mort, à des châtimens rigoureux.