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israélites. De même que j’avais fait le premier trajet en évoquant les souvenirs de la pâque, j’eus, pendant le retour, l’esprit constamment occupé des souvenirs de l’omer. Qu’est-ce donc que l’omer ? demandera-t-on. C’est le temps qui s’écoule de Pâque à la Pentecôte ; mais, pour faire comprendre l’espèce de terreur mystérieuse qui plane sur cette période, il faut entrer dans quelques explications. — La Pentecôte des Juifs est la fête de l’anniversaire de la promulgation du décalogue ou de la révélation, événement accompli, comme on sait, sept semaines après la sortie des Israélites de l’Égypte. Voilà pourquoi la Pentecôte est encore appelée Schebouoth du mot hébreu signifiant semaines. Jadis, à Jérusalem, dans l’intervalle de Pâque à la Pentecôte, c’est-à-dire pendant cinquante jours, on faisait au temple, tous les jours, l’offrande d’une mesure (omer) d’orge. Aujourd’hui on ne fait plus d’offrande ; mais en revanche, et pendant tout le temps compris entre Paeçach et Schebouoth, tous les fidèles, au village, chaque soir, après la prière et à la nuit close, comptent les jours. On marque de la sorte l’impatience où l’on est d’arriver à la fête commémorative de la révélation. L’omer, pour les Israélites de la campagne, est une époque redoutable, où il se passe mille choses extraordinaires. Durant l’omer, tout enfant d’Israël est particulièrement exposé à la puissance et au caprice des esprits malfaisans. Pendant l’omer, l’influence des mauvais génies se fait sentir de tous les côtés ; il y a dans l’air alors quelque chose de dangereux, de fatal. Il faut donc se tenir sur ses gardes et ne tenter en aucune sorte les schédim (démons) ; autrement ils vous joueraient maints mauvais tours. Pendant l’omer, il faut veiller à tout, aux choses en apparence les plus banales, les plus insignifiantes. Écoutez plutôt les minutieuses recommandations des ménagères juives à cette époque de l’année. — Enfans, ne sifflez pas le soir pendant l’omer, car votre bouche se déformerait ; ne sortez pas en manches de chemise, autrement vous rentreriez avec des bras estropiés ; ne lancez pas de pierres dans les airs, elles se retourneraient contre vous ; gardez-vous de lâcher la détente d’une arme à feu, le coup vous blesserait vous-mêmes. Hommes de tous les âges, en omer ne montez ni à cheval, ni en voiture, ni sur une barque ; le cheval s’emporterait, les roues de la voiture, fût-elle neuve, pourraient casser, et la barque ne manquerait pas de chavirer. Ayez surtout l’œil sur vos bêtes, car c’est à cette époque principalement que les machschévess (sorcières) s’introduisent dans vos écuries, montent en croupe sur vos vaches et sur vos chèvres, les frappent de maladies, les étendent à terre et corrompent leur lait. En pareil cas, pour vous le dire en passant, il faut tâcher de mettre la main sur celle que l’on suspecte, puis l’enfermer dans une