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Il n’est donc pas besoin d’avoir recours à de grands cataclysmes, à des déchiremens violens et inattendus pour expliquer la destruction des animaux qui ont précédé notre époque. Une première race d’hommes a-t-elle aussi disparu avec eux ? Nous l’ignorons ; mais si le fait a eu lieu, c’est qu’impuissant à lutter contre une nature encore marâtre, l’homme a fini par succomber dans la lutte qu’il lui fallait soutenir tous les jours pour subsister et se reproduire.


III

Une fois une espèce détruite, une fois un certain type anéanti dans une contrée, il ne semble pas que cette espèce, que ce type y puisse renaître, quand bien même les conditions se prêteraient au plus haut degré à son existence et à son développement. Il faut que l’espèce qui a disparu y soit ramenée de quelque point du globe où elle a persisté. Les faits contemporains nous démontrent la réalité de cette loi, et, si l’on se reporte au début de la période actuelle, on reconnaît qu’il a dû en être de même dès l’origine. M. Lund a découvert dans les cavernes calcaires situées près du Rio-das-Velhas, au Brésil, des ossemens de cheval associés à ceux d’espèces éteintes ou qu’on rencontre encore en d’autres points de l’Amérique méridionale. Le cheval avait donc jadis habité le Nouveau-Monde, mais il en avait disparu. En vain les grandes plaines de la Plata semblaient faites pour produire ce solipède, le cheval n’y reparut pas tant que les Portugais ne l’y eurent point introduit ; mais alors il se propagea avec une incroyable rapidité, tant la contrée lui offrait de conditions favorables. La même chose est arrivée pour le bœuf et pour la chèvre. Un phénomène d’un ordre identique s’observe tous les jours pour les plantes. Telle espèce végétale, une fois apportée dans une contrée, s’y répand avec tant de rapidité, qu’elle y prend tout à fait le caractère d’une plante indigène.

L’aire occupée par les animaux subit donc des variations dues au retour possible d’une espèce dans des contrées où elle avait été détruite ; elle s’étend, mais elle peut aussi se rétrécir. Si les conditions nécessaires à l’existence d’une espèce, à la perpétuation d’un type, disparaissent peu à peu de la surface du globe, le domaine de cette espèce se circonscrit de plus en plus, et elle arrive bientôt à ne plus occuper qu’un point restreint sur le globe. Il s’ensuit que les types que nous ne rencontrons aujourd’hui que dans des régions particulières, au lieu de nous apparaître comme des créations toutes locales, doivent être pris pour les restes d’une faune en voie de disparition. On sait qu’aux anciennes périodes géologiques, et notamment à celle du lias, étage qui sert de base à la formation jurassique,