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rhinocéros bicorne du Cap, deux espèces d’hippopotame, le lion, la panthère, le serval, l’hyène rayée et l’hyène du Cap, la genette, le porc-épic, le sanglier, l’antilope. Ces animaux habitaient nos régions ; mais les changemens qui s’y opérèrent graduellement les firent émigrer presque tous en Afrique, où on les retrouve aujourd’hui. Toutefois quelques-unes de ces espèces tropicales restèrent dans les parties méridionales de leur ancienne patrie : le magot, singe qui habite encore les environs de Gibraltar, la genette et la mangouste d’Espagne, ont été comme les traînards de cette grande armée qui envahit jusqu’au sud de l’Afrique. Il est probable que le porc-épic, le sanglier, le loir, le mouton et la chèvre sont aussi des débris de la vieille faune européenne. Cette migration s’est effectuée dans le sens du méridien, et la distance entre les points extrêmes de l’habitat ancien de certaines espèces et de leur habitat nouveau n’est pas moindre de 80 degrés en latitude.

La seconde division établie par M. Lartet nous représente la faune qui succéda à la population tropicale de l’Europe ; c’est elle qui nous a fourni la plus grande partie de nos mammifères actuels. La température de nos régions s’était alors singulièrement abaissée ; aussi les animaux qui, durant la période précédente, peuplaient la Sibérie s’avancèrent-ils jusqu’au centre de l’Europe, se déplaçant en longitude sur un espace de 70 degrés. Tandis que la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre commençaient à perdre les énormes proboscidiens, ou pachydermes à trompe, qui y habitaient depuis l’âge tertiaire, un éléphant propre aux climats septentrionaux, l’elephas primigenius, gagnait peu à peu notre pays, où l’on retrouve ses restes dans les dépôts diluviens. Depuis longtemps avaient disparu d’autres proboscidiens que l’on ne rencontre plus après la période dite miocène, ou celle plus récente qu’on nomme pliocène : je veux parler du dinothérium et des mastodontes, qui comptent plusieurs espèces. Avec l’éléphant de Sibérie vivaient un autre pachyderme des mêmes climats, le rhinocéros tichorhinus, et plusieurs espèces boréales, le bœuf musqué, le renne, le glouton, le lemming. Ces animaux, après avoir pénétré jusqu’au cœur de l’Europe, ont regagné les hautes latitudes, quand la température a commencé à s’adoucir ; mais les grandes espèces semblent n’avoir pu échapper, par ce mouvement rétrograde, à la destruction dont les menaçait l’élévation graduelle de la température ; ils périrent, et leurs seuls ossemens nous attestent leur antique existence. De ce nombre ont été l’elephas primigenius, le rhinocéros tichorhinus, le cerf géant (cervus giganteus), le bœuf de l’époque quaternaire (bos primigenius), l’ours des cavernes (ursus spelœus).

Toutefois, bien que séparées par des caractères tranchés, ces deux