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périodes, dont trois paraissent avoir été de longue durée. Quoi qu’il en soit de ces divisions, encore assez incertaines, on peut affirmer que la période quaternaire embrasse des changemens qui ont eu une grande généralité. Des exhaussemens se sont produits lentement dans le niveau des mers et ont été suivis de retrait. Les oscillations de niveau de l’Océan et des terres ont amené des révolutions atmosphériques. À l’ancienne température torride et assez uniforme du globe succédèrent des alternatives de froid et de chaud. D’immenses glaciers prirent naissance et poussèrent devant eux des blocs erratiques. La fusion des glaces détermina de vastes inondations ; des glaçons monstrueux balancèrent au loin sur les eaux les rochers qui s’étaient détachés. De grandes rivières se creusèrent un lit et charrièrent des alluvions qui finirent par les combler. Comment, en présence de pareils phénomènes, l’état zoologique de la terre aurait-il été permanent ? La configuration des continens ne présentait pas les apparences qu’on observe depuis l’époque historique. En Europe, par exemple, rien n’était semblable à ce qui existe aujourd’hui. L’Angleterre faisait corps avec l’Irlande, et était unie à l’Allemagne par de vastes plaines ; le bras de mer de la Manche ne s’était point encore ouvert un passage. Le détroit s’est formé par des dépressions successives, à mesure que des mouvemens inverses faisaient diminuer la Mer du Nord, qui s’étendait dans le principe jusque vers les Alpes et l’Oural, et couvrait même une partie des îles britanniques. D’un autre côté, la Sicile fut sans doute jointe à l’Afrique pendant une partie de cette période. Une semblable configuration a naturellement déterminé une distribution des animaux fort différente de celle que nous avons sous les yeux. La paléontologie constate actuellement que, durant l’époque quaternaire, il s’est développé des milliers de générations successives de mammifères de diverses sortes ; il existait une faune de mollusques terrestres et de mollusques d’eau douce, dont les espèces les plus fragiles se sont perpétuées jusqu’à nos jours à peu près dans les mêmes distributions géographiques. Sur cinquante-sept espèces qui apparaissent dans les plus anciens dépôts quaternaires, cinquante-quatre sont encore vivantes. Ainsi, durant la période qui a précédé la nôtre, l’Europe changea plusieurs fois de population animale, et tout donne à penser que ces changemens correspondent à ceux qui se sont opérés dans le relief et dans les rapports relatifs des continens et des mers.

On doit à M. Lartet de curieuses recherches sur les migrations qu’ont dû jadis accomplir les mammifères de l’Europe. Ce savant a constaté l’existence de deux faunes très distinctes durant l’époque quaternaire. Dans l’une viennent se ranger l’éléphant d’Afrique, le