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de ces espèces fournit en retour aux animaux carnassiers une proie plus abondante. L’élévation de la température est d’ailleurs liée à une certaine force de création dont nous ne saurions définir la loi. Aussi est-ce dans les pays très chauds que nous rencontrons les crocodiles et les grandes tortues, les plus beaux représentans de l’espèce féline, les plus monstrueux des pachydermes, et les singes, ceux des animaux qui se rapprochent le plus de l’homme ; les chauves-souris ou chéiroptères, inconnues aux régions polaires, sont représentées dans l’archipel indien par une famille particulière, les galéopithèques, que ses fortes dimensions et son organisation rapprochent des makis ou singes à museau de renard ; l’autruche et le condor, oiseaux monstrueux, appartiennent aux régions voisines des tropiques ; les plus gros des coléoptères, le scarabée Goliath, le copris Midas, le bucéphale.géant, habitent également les régions chaudes, et un autre insecte gigantesque, l’énoplocère épineux, est propre aux Indes-Orientales. Une espèce dont les dimensions ne sont pas moins étonnantes, le mormolyce phyllode, appartient en propre à l’île de Java.

Plus on avance de l’équateur aux pôles, moins il y a de différences entre les faunes de chaque région de la même zone, en sorte qu’au voisinage du cercle arctique on ne trouve plus qu’une faune commune à toutes ces régions glacées, au-delà desquelles la vie s’arrête complètement. Cependant ces lois générales ont leurs exceptions ; certains genres rencontrent dans les pays froids des conditions plus propres à leur développement, et c’est là qu’on les voit représentés par les espèces les plus fortes et les plus monstrueuses. Tout le monde connaît le gigantesque ours blanc ; citons aussi l’ours de la Russie, dont le jardin zoologique de Londres possède un si énorme spécimen dans son prince Menchikof. La chouette laponne et la chouette harfang nous fournissent dans les contrées arctiques les plus beaux représentans de la tribu de ces oiseaux de nuit. Dans les contrées où le ciel est presque toujours brumeux, les chouettes épervières tiennent la place de nos grands oiseaux de proie. Il est à noter que ce sont généralement les animaux qui fréquentent les rivages ou vivent au milieu des mers qui présentent dans les climats froids les plus beaux types. Sur les continens et dans les îles, c’est entre les tropiques que la vie éclate avec le plus d’énergie ; dans l’Océan, l’inverse a lieu, et nombre de genres présentent des espèces d’autant plus fortes et d’autant mieux organisées que la latitude est plus élevée, pourvu qu’on s’arrête au point au-delà duquel aucun animal ne peut plus vivre. Les phoques, les morses, les baleines, habitent surtout les mers polaires. M. Dana a remarqué que les crustacés marins des zones froides appartiennent généralement