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Dans quelles proportions cet élargissement des cadres devrait-il avoir lieu ? Là-dessus il n’y a pas de donnée absolue ; c’est une affaire d’appréciation. Si l’on voulait prendre pour règle l’effectif de nos voisins, on irait au-delà d’un effort raisonnable. Les Anglais ont plus de 100 officiers-généraux, nous n’en avons que 33, et sur ce nombre 20 à peine sont disponibles pour un commandement à la mer. Les Anglais ont 358 capitaines de vaisseau ; nous n’en avons que 110, et ainsi des autres grades. Ce serait folie que d’essayer de mettre nos cadres au niveau des leurs et d’effacer, à force d’argent, de telles distances. Une donnée plus admissible serait celle-ci : prendre pour base de calcul un armement complet sur le pied de guerre et y affecter le chiffre d’officiers de tout grade que les règlemens comportent, puis se ménager à terre comme réserve un nombre d’officiers équivalant au tiers du personnel embarqué. Dans ces termes, l’augmentation n’aurait rien d’excessif ; en retour d’une dépense modérée, on aurait toutes les garanties d’un bon service, plus de mouvement dans un cadre plus élastique, avec l’avantage de posséder une réserve pour remplir les vides que les combats occasionneraient. Quand on songe à ce que serait cette guerre, avec les moyens de destruction qu’elle mettrait en jeu, cette réserve d’un tiers sur le total de l’effectif semble plutôt rester en-deçà qu’aller au-delà des besoins éventuels ; seule elle peut empêcher qu’après les premières campagnes, si brillantes qu’elles soient, nos flottes ne soient réduites à l’impuissance, faute d’officiers expérimentés.

Après avoir établi quelle serait, dans l’hypothèse d’un armement complet, la situation du corps des officiers, il convient de voir comment se passeraient les choses pour la composition des équipages. Les communications que nous avons sous les yeux contiennent là-dessus des renseignemens précis. Voici comment se distribueraient les forces pour les diverses natures de services qui figurent dans le.tableau précédent. On a pris pour chaque espèce de bâtimens une moyenne dans laquelle on fait entrer la maistrance et les ouvriers chauffeurs :


hommes hommes
Bâtimens à vapeur. 33 vaisseaux 870 28,710
« 16 frégates 550 8,800
« 7 bâtimens cuirassés 600 4,200
« 5 corvettes 200 1,000
« 16 avisos 100 1,600
« 31 canonnières 40 1,240
« 29 transports 150 4,350
« 19 frégates à roues 140 2,660
Bâtimens à voile 9 vaisseaux-transports 300 2,700
« 20 frégates 500 10,000
« 11 corvettes 300 3,300
« 1 vaisseau canonnier 1,000 1,000
Total 69,560

L’armement au complet exigerait donc 70,000 hommes en nombres ronds, et en y ajoutant une réserve de 9 à 10,000 hommes, 80,000, qui suffiraient aux besoins les plus immédiats. Cet effectif n’a rien que le pays ne puisse supporter, si l’on a soin de le répartir entre le recrutement et l’inscription