Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/945

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant que le commerce intérieur, de ces facilités, qui sont dues pour une grande part à l’existence de l’association douanière. L’accession de l’Autriche produirait des résultats analogues, et la France en particulier obtiendrait dans les provinces autrichiennes, où son commerce est demeuré jusqu’ici peu actif, des marchés plus avantageux, si elle ne rencontrait plus à leur frontière que le tarif assez modéré du Zollverein. Mais, dira-t-on, cette vaste agglomération ne tarderait pas à posséder une industrie puissante dont la concurrence deviendrait très redoutable pour l’industrie française? Pour que cette appréhension fût légitime, il faudrait que le travail manufacturier demeurât stationnaire en France et ne fût pas en mesure de marcher du même pas qu’en Allemagne. Nous ne saurions admettre cette supposition, que détruisent les faits dont nous sommes témoins. Quels que soient les progrès accomplis par le Zollverein et par l’Autriche dans la carrière industrielle, la France tient encore l’avance; elle dispose d’un capital plus abondant et d’une main-d’œuvre plus habile. Sa législation économique est seule en retard; mais c’est un désavantage qui peut disparaître quand on voudra résolument le supprimer, et il faut espérer que l’exemple des réformes de tarif qui se multiplient dans la plupart des pays voisins deviendra contagieux et nous entraînera enfin vers un régime plus libéral. À cette condition, la France n’a rien à craindre des industries plus jeunes qui s’élèvent dans le centre de l’Europe. Un Zollverein austro-allemand, dans l’hypothèse encore très incertaine qui vient d’être examinée, ne ferait qu’agrandir au profit de la consommation générale le champ de la production, et au profit du commerce international le champ des échanges.

Un moment laissées dans l’ombre par suite des préoccupations politiques qu’inspire la situation présente, les questions commerciales, qui depuis 1852 ont si vivement agité l’Allemagne, reparaîtront bientôt au premier plan. Le Zollverein touche à une période de crise. Il nous a donc semblé qu’un retour vers les origines de cette association et une histoire rapide de son développement auraient aujourd’hui le mérite de l’opportunité. Le Zollverein est assurément la plus grande œuvre de l’Allemagne contemporaine : il a exercé sur les idées comme sur les intérêts matériels une action prépondérante ; il s’est trouvé mêlé à tous les incidens de la politique intérieure et extérieure; il a imprimé à l’industrie et au commerce une vigoureuse impulsion. Le Zollverein enfin est une institution pacifique et libérale. Il faut souhaiter qu’après avoir résisté à la révolution, à la guerre, aux luttes intestines, il sorte victorieux de la nouvelle ère d’épreuves qui va s’ouvrir pour lui.


C. LAVOLLEE.