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la politique envahissante d’où est sortie la guerre, et qu’elle n’eût pas osé compromettre, dans un intérêt égoïste, tous les intérêts de ses associés. La France aurait eu beaucoup plus de chances pour faire écouter sa voix en faveur de l’Italie, si, au lieu de s’adresser à un seul cabinet, elle avait pu parler à l’Allemagne entière et faire appel aux sentimens de justice qui, dans une assemblée nombreuse, trouvent toujours des défenseurs. L’union commerciale, en subordonnant aux considérations de prospérité matérielle la conduite des peuples et des gouvernemens, rend cette conduite plus sage, plus prudente, à l’extérieur surtout; elle prêche la paix plus éloquemment que ne le peuvent faire les congrès des diplomates ou les entrevues des souverains. Nous n’aurions donc pas à être inquiets de ses conséquences, comme nous le serions d’une grande unité politique qui se constituerait sur l’autre rive du Rhin, aussi forte pour l’agression que pour la défense. Quant à cette unité tant de fois rêvée pour le territoire germanique, n’est-il pas permis de croire qu’elle est encore bien loin de nous, dans les vagues hypothèses de l’avenir? On ne saurait sans doute traiter légèrement les manifestations qui viennent de se produire à Eisenach et qui commencent à agiter l’Allemagne; mais, en se reportant à l’histoire du passé, on voit que ces tendances unitaires se sont déjà révélées fréquemment depuis 1815, et que toujours elles ont échoué. Dans les circonstances présentes, les patriotes allemands ont-ils quelque chance d’atteindre le but qu’ils ont vainement poursuivi en 1848, alors que la révolution avait fait table rase, que les souverains et les gouvernemens étaient à la merci de l’opinion, et que la diète elle-même avait disparu? Malheureusement pour les unitaires d’Eisenach, la réalisation de leur rêve ne paraît point probable, au moins dans un bref délai, et peut-être, à l’exemple de List, se verront-ils ramenés à une prétention plus modeste et en viendront-ils à ne plus réclamer que l’unité économique, comme un progrès vers leur idéal.

Inoffensive pour nous sous le rapport politique, l’union douanière de toute l’Allemagne serait-elle favorable ou contraire à nos intérêts industriels et commerciaux? Pour répondre à cette question, il suffit d’examiner si nos échanges au-delà du Rhin ont souffert de la création du Zollverein. Or les documens statistiques témoignent que depuis 1834 nos relations avec l’Allemagne sont en progrès. A mesure que les territoires compris dans le Zollverein se sont enrichis sous une meilleure législation, ils ont pu accroître leur trafic, vendre et acheter davantage. En outre, la suppression des formalités de transit, la construction des voies ferrées et le développement des routes et des canaux ont nécessairement favorisé la circulation des marchandises, et le commerce étranger a profité, au-