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le cabinet de Vienne. Chaque réduction de taxes, chaque réforme est un acheminement vers l’union allemande; avant peu de temps, les barrières de douanes autour de l’Autriche se seront abaissées au niveau de celles qu’a élevées autour du Zollverein le tarif prussien. L’abolition du régime prohibitif a-t-elle compromis l’industrie? Les manufactures de la Bohême ont-elles succombé, lorsque la raison politique les a privées de la protection excessive que leur accordait l’ancienne législation? Nullement, et c’est un fait bien remarquable que met en lumière cette page d’histoire commerciale si féconde en enseignemens. L’industrie autrichienne, dans toutes les branches de travail, n’a jamais été aussi florissante, aussi solide que depuis le moment où un système libéral a prévalu ; elle a figuré avec honneur à l’exposition universelle de Paris en 1855 ; tout porte à croire que dès ce jour elle pourrait sans inconvénient soutenir la concurrence des manufactures plus anciennes de la Prusse rhénane et de la Saxe. Le gouvernement autrichien est donc parvenu à rendre possible, sans sacrifier l’intérêt industriel, l’union à laquelle aspire sa politique, et l’on doit tenir pour certain que ce plan si mûrement médité, dont la guerre récente et l’hostilité systématique de la Prusse ont entravé l’exécution, ne tardera pas à être repris avec une nouvelle vigueur. Repoussée de l’Italie, l’Autriche n’en sera que plus ardente à se retourner vers l’Allemagne et à chercher au nord et à l’ouest une compensation de la défaite que son influence a subie dans le sud. La navigation du Danube, le port de Trieste, les chemins de fer qui s’achèvent, les facilités de toute nature que le transit par l’Autriche offre aux relations de l’Europe centrale avec la Méditerranée et la Mer-Noire, décideront plusieurs états du Zollverein à plaider plus énergiquement sa cause dans les conférences de l’association. On le voit, les événemens d’Italie n’auront pas été sans influence sur les destinées commerciales de l’Allemagne, et il n’y a point de témérité à prétendre, nonobstant quelques symptômes contraires, que la question de l’union austro-allemande est plus avancée aujourd’hui qu’elle ne l’était avant la guerre.

Cependant, si l’Autriche est obstinée dans son projet, la Prusse ne se montre pas moins décidée à lui faire obstacle. De 1849 à 1852, elle a incessamment travaillé à défendre son hégémonie contre le contact de l’influence autrichienne. Le traité du 19 février 1853 n’a été signé par elle qu’à la dernière extrémité, sous le coup d’une nécessité politique, et encore n’ouvre-t-il à l’union austro-allemande qu’une chance éventuelle; c’est un billet sans date certaine, dont le cabinet de Berlin voudrait reculer indéfiniment l’échéance. Aux prétextes que la Prusse a invoqués jusqu’ici pour écarter les prétentions de sa rivale, la convention de Villafranca ajoute un argument sérieux tiré de la situation qui est faite à la Vénétie. D’après la convention, la