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avaient amélioré et augmenté leur fabrication, s’agitèrent pour obtenir une protection plus forte. Ils rencontraient, il est vrai, des obstacles dans la sagesse des gouvernemens et dans l’intérêt contraire des régions agricoles; mais la querelle de la protection et du libre-échange s’introduisait en Allemagne, et là comme ailleurs elle devait être bientôt ardente et passionnée.

Les révisions de tarif, opérées en 1842 par la conférence de Stuttgart, furent en général inspirées par les idées de protection. Cependant ces idées n’auraient peut-être point triomphé aussi aisément sans un incident extérieur qui fournit aux partisans du système protecteur des argumens dont ils s’empressèrent de tirer parti. Cet incident s’était passé en France. Afin de défendre notre industrie linière, que menaçaient les importations toujours croissantes de la Grande-Bretagne, nous avions, par la loi du 6 mai 1841, élevé les droits sur les fils et tissus de fin et de chanvre. La même loi avait modifié le régime de quelques articles allemands. Bien que ces changemens de tarif ne fussent pas de nature à affecter sensiblement le chiffre de l’importation allemande en France, les manufacturiers du Zollverein prirent l’alarme, et, faisant appel au sentiment de la dignité nationale, ils s’attachèrent à démontrer la nécessité des représailles. Sous cette impression, la conférence doubla les droits qui frappaient plusieurs produits de notre industrie, et ces doubles droits sont encore en vigueur. Sans doute une nation ne doit consulter que son propre intérêt pour la rédaction de son tarif de douane, et un gouvernement n’est pas tenu de se conformer aveuglément, en pareille matière, aux principes abstraits d’une théorie; mais l’expérience prouve que trop souvent les aggravations de droits ne donnent satisfaction à un intérêt immédiat et partiel qu’en sacrifiant l’intérêt général et permanent. La loi française de 1841 n’a pas seulement eu pour résultat de provoquer de la part du Zollverein des représailles qui, aujourd’hui encore, portent préjudice à notre industrie : elle a en même temps, ce qui est beaucoup plus grave, contribué à fortifier, de l’autre côté du Rhin, le parti qui fonde sur les restrictions douanières la prospérité du travail ; elle a procuré à ce parti un prétexte tout-puissant pour solliciter et pour obtenir des exhaussemens de tarif qui entravent nos échanges avec l’Allemagne. Ici encore l’histoire du Zollverein nous donne, à nos dépens, une leçon dont notre politique commerciale ferait sagement de profiter.

Le parti protectioniste trouva en outre un puissant appui dans un homme qui, par sa situation particulière non moins que par son talent, devait exercer une grande autorité sur les délibérations du Zollverein. List reparut au milieu de ces débats. Depuis l’époque