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pas mourir participe de l’éternité divine : Patiens quia aternus. Quelques semaines ne sont rien pour qui attendit neuf cents ans. Cette patience d’ailleurs ne lui interdit pas, lui facilite même la manifestation sérieuse de tous ses vœux légitimes. On peut voir déjà qu’elle a adopté la formule de Charles-Albert : Italia farà da se, non pas dans ce sens littéral que l’Italie saurait se passer du concours sympathique et de l’appui matériel des autres peuples, — les événemens n’ont que trop prouvé combien cette prétention serait téméraire ou du moins prématurée, — mais dans le sens moral qui donne à cette parole sa vraie portée. Le Piémont était resté indépendant et libre, parce qu’il s’était tenu à une égale distance de ces deux extrêmes : ou la passion d’une élévation chimérique, ou l’énervement d’une tranquille servitude. Il était en droit de rappeler à l’Italie qu’en politique elle a trop fait pour les autres et avec les autres, qu’elle a longtemps sacrifié à une grandeur idéale en dehors d’elle sa vie propre et sa nationalité distincte, qu’elle s’est attardée à reconstruire l’édifice vermoulu des anciens âges en épuisant sa verve littéraire dans de stériles imitations. Italia farà da se, cela veut dire que l’Italie prendra enfin possession d’elle-même, qu’elle développera librement et nationalement les ressources de son sol et de son climat aussi bien que les merveilleuses aptitudes du génie de ses habitans; cela veut dire enfin qu’instruite par le malheur et par l’expérience, elle est résolue à se donner non-seulement ces frontières naturelles qui forment une patrie, mais encore ces lois, ces institutions, ces mœurs qui font des hon)mes et des citoyens.

La situation moderne de l’Italie, que M. de Cavour avait définie au congrès de Paris et dans ses manifestes subséquens, et que la dernière guerre a eu pour but de modifier, était issue des traités de 1815. En réalité, elle avait ses racines dans un passé beaucoup plus lointain. Les petits princes italiens, groupés autour de l’Autriche et lui empruntant la force d’exister, n’étaient guère, sauf la différence des temps, que les vavasseurs lombards ou les républiques gibelines appelant les empereurs saxons ou souabes comme les vrais représentans de l’autorité et de la stabilité en Italie. Dans l’ordre politique comme dans l’ordre des choses naturelles, les mêmes causes ne doivent-elles pas produire les mêmes effets? En revenant ainsi à notre point de départ, quelques mots suffiront pour résumer l’esprit de cette étude. A notre avis, le vieux droit impérial a été surtout fatal à l’Italie en laissant flotter la souveraineté sans parvenir à la fixer nulle part, sans lui donner une constitution fondamentale, parce motif qu’il refusait même d’admettre la nationalité italienne. En même temps il a légué à la péninsule deux diffi-