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ral, bien déterminé, bien précis. La mobilité seule durait dans la discorde.

Que trouvons-nous en effet au fond de ces tentatives ? Une association pour la guerre, jamais une association pour la paix. Le pacte fédéral de la ligue lombarde se dissout chaque fois que le danger s’éloigne, et chacune des cités qui l’a scellé bravement de son sang reprend aussitôt son indépendance absolue avec le droit funeste de se consumer dans des révolutions intestines. Les différens états italiens qui, en 1454, 1471 et 1484, tentèrent de mettre un terme à leurs querelles séculaires pour résister à l’étranger, convinrent d’une ligue dont l’intention principale consistait à lever une armée à frais communs et à choisir d’un commun accord un condottiere pour la commander. C’était là une bonne pensée qui aurait pu garantir au moins l’indépendance de l’Italie en opposant une barrière suffisante aux invasions françaises et espagnoles ; mais dans cette ligue militaire rien de fixe ne fut stipulé pour opérer le rapprochement des lois, des institutions et des mœurs sous la main d’un pouvoir central. Encore même cette armée fédérale ne put-elle parvenir à s’organiser ni à fonctionner régulièrement.

C’est cependant à ce moment même de son impuissance sociale que l’Italie brille du plus vif éclat par la renaissance des lettres et des arts, et qu’après avoir aspiré à dominer politiquement l’Europe, elle réussit à régner un moment par la culture intellectuelle. Des fleurs de cette culture va-t-elle retirer pour elle-même quelque suc vivifiant ? Va-t-elle retremper ses forces appauvries dans la mâle sobriété de Thucydide ou dans la sombre énergie de Tacite ? Nullement. Au moyen âge du moins, l’Italie, en cherchant par le droit, par la littérature et par l’art, à faire prévaloir la tradition latine sur l’esprit germanique et féodal, avait été conséquente avec ses tendances politiques. À l’époque de la renaissance, la littérature italienne n’a plus rien de spontané ni de national. On commente Platon, mais on ne crée pas une philosophie nouvelle ; celle d’Épicure est si séduisante et si commode ! Tite-Live est fort goûté, moins comme historien que comme rhéteur, et ce qu’on aime dans Horace, c’est le chantre du plaisir plutôt que le lyrique inspiré. En face de cette antiquité grecque et romaine, qui se dévoile tout à coup à ses yeux, l’Italie du XVe siècle semble comme éblouie et fascinée. Elle admire sans réserve et sans choix ; elle ne s’approprie que ce qui convient le mieux à son caractère inconstant, à son tempérament tour à tour indolent et impétueux. Ses tyrans sont des Périclès, ses conspirateurs des Brutus. Le scepticisme se glisse jusque dans la chaire de saint Pierre. La conscience publique se déprave en subissant la doctrine païenne de la raison d’état. Point de civisme dans la poésie, point d’originalité qui s’inspire aux sources du beau, mais une imi-