Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/903

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parodie, mais c’est une parodie sérieuse, si l’on songe que Frédéric battait monnaie avec les vases sacrés, s’appropriait les biens des évêchés et des monastères, déposait ou instituait lui-même les prélats, punissait comme des blasphémateurs ou des ennemis publics ceux qui refusaient d’invoquer son saint nom, enfin ne craignait pas de se faire baiser les pieds dans les églises, exigeant ainsi une marque d’humble soumission due seulement au vicaire de Jésus-Christ. Doit-on s’étonner que les papes eussent juré la ruine d’un adversaire qui prétendait élever autel contre autel, et à qui peut-être il ne manqua pour réussir que d’être venu à une autre époque et d’avoir eu pour lui le temps et l’opinion? Plus tard, Henri VIII devait s’approprier le projet de Frédéric II. Secondé par la disposition générale des esprits, il parvint à surmonter et à briser toutes les résistances. Pour l’établissement de l’église anglicane, le second des Tudors trouva dans Thomas Cromwell l’instrument que le petit-fils de Barberousse avait rencontré en la personne de Pierre de La Vigne. Les deux ministres mirent leur docilité et leurs talens au service de la même cause; tous deux furent les vicaires-généraux d’un pape laïque, tous deux aussi, par un singulier rapport de fortune, parvenus au faîte de la puissance, en furent précipités à l’improviste par l’ingratitude d’un maître capricieux.

En renversant la maison de Souabe, la papauté avait proclamé dans ses manifestes qu’elle travaillait à l’affranchissement de l’Italie. Était-ce qu’elle voulait la constituer libre de toute pression extérieure? Les moyens dont elle comptait se servir pour atteindre ce but échappent à l’analyse historique, et les paroles sont ici contredites par les faits. Les grands papes du moyen âge, Grégoire VII, Innocent III, Grégoire IX, ceux qui ont organisé le plus fortement la résistance du parti guelfe à la monarchie impériale, ne se sont pas sérieusement préoccupés de donner une direction politique à l’Italie; leurs successeurs ont même favorisé plutôt le morcellement du territoire et de l’autorité, afin que nul état voisin et puissant ne pût menacer leur domaine temporel, toujours contesté, même dans l’enceinte de Rome. Ils se réservèrent bien, il est vrai, une sorte de suzeraineté sur les états nouveaux qui se créaient en Italie, et se firent payer cher l’investiture qu’on leur demandait; mais c’était là un droit purement nominal, dépourvu de toute action directe, et qui ne faisait point de la papauté ce pouvoir central, modérateur et fort qu’avaient imaginé les gibelins. Les souverains pontifes, lorsqu’ils appelèrent les Angevins à Naples, introduisirent dans la péninsule un nouvel élément étranger, et leur politique consista seulement à prévenir par des précautions diplomatiques l’agrégation de plusieurs états italiens sous une même main. Dans toutes les stipulations qui suivirent la chute de la maison de Hohenstauffen, les